Une rivalité qui ne se dit pas (Demetra)

Elle savait que le professeur Slughorn suscitait des opinions que l'on pourrait qualifier de controversées, et elle était entièrement capable de comprendre pourquoi : s'entourer d'un cercle de jeunes privilégiés dans l'espoir de recevoir une contrepartie, qu'elle soit d'estime ou matérielle, dans l'avenir, encourager un système de caste et de privilège, ce n'était pas une entreprise que l'on pourrait qualifier d'honorale.

Lily le savait, l'admettait, mais ce n'était pas pour autant qu'elle ne prenait pas un certains plaisir à se rendre aux réunions du club de Slug. C'est que si le professeur de potions encourageait un élitisme aux antipodes de ses propres convictions (même si pas seulement fondé sur la naissance, mais aussi sur le mérite, sans quoi la jeune femme et sa famille moldue n'aurait pas eu sa place parmi des convives aux ancêtres pour certains prestigieux dans le monde de la magie), c'était fait sans malice, sans malveillance. Slughorn, dans tout ce qu'elle lui trouvait de bonhommie, était un professeur qui avait su gagner son estime et sa sympathie.

Aussi n'avait-elle pas traîné les pieds ce soir-là quand il fut question de se rendre à l'un des traditionnels dîners du club de Slug. Il serait malvenu de faire la fine bouche. La nourriture était après tout excellente, et Slughorn étayait toujours ces moments d'anecdotes qui l'amusaient beaucoup. 

Il fallait seulement faire avec la compagnie de ses camarades, dont la présence pour certains l'insupportait à un point incroyable. Pour beaucoup : des élèves fiers de leur sang pur qui ne manquaient jamais la moindre occasion de la qualifier de "sang de bourbe" et dont les convictions remontaient à Mathusalem. 

Et il y avait Demetra... Elle, c'était encore autre chose. Sa personne tout entière éveillait en elle une profonde aversion. Affaire de personnalité, de valeur... peut-être aussi de l'intérêt un peu trop prononcé que Demetra adressait à James... même si elle mettait ce dernier point en sourdine et ne daignerait jamais l'articuler à voix haute.

Le dïner venait de s'achever, et Lily s'apprêtait à quitter les lieux, prête à rejoindre sa salle commune... Mais elle ne fit pas trois pas qu'elle s'effondra au sol comme une idiote. Elle avait dû se prendre les pieds dans sa robe, sans doute, en tout cas, elle n'avait pas l'air très maline. Avec ce qu'elle pouvait de dignité, Lily se redressa en s'employa à ramasser les affaires qui avaient glissé de son sac dans la chute. Un spectacle qu'elle n'aurait clairement pas voulu offrir à certaines personnes encore présente. Une en particulier.

« Tu sais que tu pourrais utiliser la magie, pour faire ça ? »

Bon, ça y est, c’était, le comble de l’humiliation. Elle ne disait jamais non à une main secourable, même si elle aimait se débrouiller par ses propres moyens et ne réclamait de l’assistance qu’en dernier recours. Mais là, elle n’avait vraiment pas la moindre envie que l’attention reste focalisée sur elle, et encore moins si c’était pour obtenir l’aide de la dernière personne dont elle pourrait bien vouloir un coup de main.

Lily serra les dents en voyant ses affaires retourner par son sac par magie. Elle n’aimait pas qu’on fasse de la magie sur ses affaires sans lui demander l’autorisation… pour elle, ça semblait aller de soi. Alors oui, c’est vrai, elle aurait pu utiliser la magie par elle-même, mais l’idée ne lui avait même pas traversé l’esprit. Un réflexe de sa vie passée au milieu des moldus, peut-être… Et quoi qu’il en soit, elle n’estimait pas que la magie soit nécessaire pour si peu, mais soit.

« Peut-être devrais-tu vêtir une robe plus courte, la prochaine fois, pour éviter la chute. Ou si besoin, je serais ravie de te donner quelques cours, pour marcher avec des talons. Ce n'est pas forcément aisé. »

Lily grimaça. Elle voyait difficilement comment porter des robes plus courtes ou marcher avec des talons pourrait l’aider à moins trébucher. Si elle s’était baladée avec ce genre d’accoutrement, non seulement elle se serait vautrée (pour ce qui aurait sans doute été la cinquième fois de la journée), sa jupe trop courte aurait sans doute révélé plus de son anatomie qu’elle n’aurait été susceptible de vouloir en dévoiler.

Non, définitivement, Lily n’avait aucune envie de ressembler à Demetra ou à obtenir aucun conseil de sa part. Elle trouvait cette fille particulièrement… vulgaire… alors moins elle se ressemblerait, mieux elle se porterait en règle générale.

« Encore besoin d'aide ? »

"Je n’avais pas besoin de ton aide pour commencer", répliqua simplement Lily en adressant tout de même à Demetra un sourire de façade dont l’hypocrisie était sans doute égale à celle dont son interlocutrice faisait preuve depuis que cette "conversation" avait commencé. Ce qui voulait tout dire. Une fois redressée, elle replaça son sac sur son épaule, elle espérait avoir un minimum de contenance, à présent. "Et je préfère m’épargner tes conseils", ajouta-t-elle.

« Pas besoin d'être aussi agressive. »

Est-ce qu'elle était vraiment agressive ? Oui, au fond, c'était bien possible. Elle ne s'en rendait pas vraiment compte. Elle ne considérait pas qu'elle était d'un tempérament agressif, mais il est vrai que quand il devait être question de rentrer dans le lard des gens, elle n'y allait jamais de main morte, et quand elle se retrouvait en présence de personnes qui l'insupportaient autant que ne l'insupportait Demetra Zabini, elle avait toutes les peines du monde à prendre sur elle et à faire comme si de rien n'était.

« Etre si fière qu'on accepte pas une main tendue, c'est vraiment dommage. »

La fierté n'était pas quelque chose qui manquait à Lily, c'est certain, mais elle savait la mettre de côté quand il était question d'accepter de l'aide. Bon, d'accord, ce n'était pas toujours le cas. Elle avait souvent des choses à prouver, elle tenait à montrer qu'elle était capable de se débrouiller par elle-même.

En tant qu'enfant de moldu environnée de sorciers, elle avait besoin de prouver et de se prouver des choses, de montrer qu'elle était absolument capable de s'en sortir par ses propres moyens. Un comble pour quelqu'un qui en contrepartie tenait à tendre la main à tout le monde. Enfin... à presque tout le monde, en vérité. Et qui se remettait très largement en question quand on refusait son aide. Un comble, donc.

"Et bien sûr tu es particulièrement bien placée pour me donner des leçons en matière de fierté."

Car s'il y en avait une qui était fière comme un paon, et bien évidemment convaincue d'avoir raison sur tout, et qui avait tendance à vouloir écraser les autres, ne serait-ce que par sa présence et sa manière de se mouvoir et de s'exprimer, c'était à l'évidence elle. Bref, l'hôpital qui se foutait de la charité : on connaît la chanson.

"Comme tu vois, je me suis très bien débrouillée par mes propres moyens, alors qu'est-ce que tu dirais de me laisser tranquille, maintenant ?" déclara-t-elle avec, sans doute, cette agressivité de ton que Demetra lui avait reprochée un peu plus tôt.

Au plus vite elles en auraient fini avec cette conversation,, au mieux ce serait.