Les amis de mes amis... (Marlene)

Lily savait que si Mary la voyait même commencer à envisager à se faire du mouron pour elle, elle lui en voudrait déjà pour cela, mais ce n'était pas comme si c'était une chose qu'elle pouvait contrôler dans tous les cas. Et là, comme elle ne l'avait pas vu depuis la matinée, forcément, elle s'inquiétait malgré elle.

Elle ne l'avait pas vu ce matin au réveil dans leur dortoir, pas plus de traces d'elle dans leur salle commune ou dans la grande salle durant le petit déjeuner. Oui, ça ne voulait pas dire grand-chose, elle avait peut-être juste voulu faire un tour, ou bien elle était avec Tilden (théorie très probable, après tout, elle n'avait pas non plus croisé le jaune et noir dans la grande salle), mais déjà, ça avait eu le don de l'inquiéter un peu.

Elles ne suivaient pas les mêmes cours le matin, rien d'étonnant qu'elles ne se croisent pas, donc, mais quand même, pas la moindre trace d'elle. Elle s'attendait au moins à ce qu'elle vienne l'attendre à la sortie d'un de ses cours comme ça arrivait parfois.

Profitant d'une plage horaire libre, elle avait donc décidé de retrouver sa meilleure amie. En commençant par la cour du château. Le temps était encore agréable et clément, la pupart des élèves en profitant pour récupérer au vol les rayons de soleil et de chaleur encore disponible, Lily ne serait pas étonné que Mary ne fasse pas exception. Et si elle ne devait pas la trouver là, peut-être qu'elle serait sur le terrain de Quidditch, à s'entraîner, ce n'était pas improbable du tout après tout.

En tout cas, en balayant rapidement la cour du regard, elle devait en tirer une première conclusion qui était que Mary n'était pas là, en revanche, elle croisa tout de même une silhouette familière.

"Salut Marlene."

Lily adressa un sourire à la jeune fille. En soi, Lily appréciait vraiment Marlene McKinnon, c'était une fille juste, brillante, sympathique, et les conversations qu'elles avaient ensemble ne manquaient jamais d'intérêt. Pourtant, il y avait toujours un petit quelque chose qui la dérangeait avec elle.

"Est-ce que tu aurais vu Mary, par hasard ?"

Un petit quelque chose du nom de Mary. Elle savait que les deux étaient très proches. Un drame commun, ça créait évidemment des liens. Et c'était évidemment bête et déplacée, mais Lily avait du mal à accepter que Mary sache plus facilement partager ses peines avec la jaune et noir qu'avec elle. Ceci dit, si elle réussissait à mettre sa jalousie de côté, elle allait peut-être enfin savoir où avait disparu son amie.

« Salut Lily ! Tu vas bien ? »

En guise de réponse à cette question très classique, la rouquine adressa à Marlene un sourire qui voulait dire oui. Car après tout, c'était vrai. Même si elle se faisait naturellement du soucis (trop sans doute) pour sa meilleure amie, elle allait autrement bien, et n'avait vraiment aucune raison de se plaindre.

Elle aurait pu répondre verbalement à cette question, mais elle n'estima pas que ce soit forcément nécessaire. Et ça semblait d'autant moins l'être que la jaune et noir embraya assez directement, le tout pour répondre à sa question. Et c'était ce qui la préoccupait le plus, bien plus que de faire le point sur son humeur du moment.

« Si, on était justement ensembles ce matin, mais elle est partie de son côté et je n’ai pas pensé à lui demander ou exactement. »

Bon... Lily ravala du mieux qu'elle put sa jalousie en apprenant que Mary avait passé sa patinée avec Marlene. C'était stupide d'être agacée par ça. Après tout, ce n'est même pas comme si Lily était quelqu'un de possessif ou d'exclusif en amitié. Lily avait d'autres amis, Mary aussi, c'était très bien comme ça.

C'est juste que Marlene était différente. Marlene et Mary avaient beaucoup en commun, notamment un point commun auquel Lily ne pouvait pas prétendre. Et c'était une chance, bien sûr, elle n'irait certainement jamais envier à la pauvre Marlene d'avoir perdu tragiquement ses deux parents à cause de Voldemort. Mais Marlene était capable d'aider Mary sur un point où Lily essayait désespérément de la soutenir sans jamais y parvenir, et ça, cette incapacité à l'aider autant qu'elle le voudrait... C'était de là que venait sa jalousie.

« Tu veux que je t’aide à la chercher ? Je sais dans quelle direction elle est partie, on peut partir de là. »

"Oh..." Lily hésita. Marlene semblait en pleines révisions, elle n'avait pas envie de l'importuner. Et peut-être que Mary n'avait pas envie qu'on la cherche mais plutôt qu'on la laisse tranquille. D'un autre côté... "Si ça ne te dérange pas, je veux bien, oui", accepta-t-elle finalement dans un fin sourire. "Elle avait... l'air d'aller bien, ce matin ?" demanda-t-elle tout en suivant la direction que Marlene lui indiquait.

Lily agissait en maman poule, elle s'en rendait compte, et Mary le lui reprocherait sans doute. Elle ne réussissait pas à ne pas s'inquiéter, c'était plus fort qu'elle.

« J'aurais pas proposé si ça me dérangeait, Lily. »

Cela, Lily voulait bien le croire, Marlene était une personne sincère, elle ne pensait pas qu’elle serait du genre à se forcer à faire une chose qu’elle n’avait pas envie de faire. La rouge et or, elle, ne pouvait pas forcément en dire autant. Certes, elle était quelqu’un d’honnête également, mais il lui arrivait assez souvent de prendre sur elle afin de faire preuve de délicatesse et de politesse envers autrui (même si la délicatesse et Lily, ça pouvait faire deux, selon les circonstances). La preuve, elle mettait de côté sa jalousie mal placée envers Marlene, à l’heure actuelle, pour se montrer agréable et courtoise en sa compagnie. Même si aborder le sujet de Mary n’arrangeait rien à sa jalousie, bien évidemment.

«Tu sais, on ne se voit pas que quand une d'entre nous va mal ? »

Lily ne savait pas comment interpréter cette remarque. Il ne lui semblait pas avoir sous-entendu le contraire. Elle savait bien que Mary et Marlene s’entendaient très bien, tout comme Mary s’entendait avec plein de monde, sans avoir besoin d’aller mal ou quoi que ce soit. C’est juste que quand elle allait mal, Mary ne se tournait jamais vers elle, et quand elle n’avait pas de nouvelles de Mary, elle s’inquiétait, il n’y avait pas à y chercher quoi que ce soit.

Lily se demandait si Marlene s’était senti vexée… Il était trop tard pour revenir sur ses propos dans tous les cas. Elle avait déjà le sentiment d’être une amie médiocre… elle n’était pas certaine que cette conversation réussirait à la faire penser différemment. En même temps, il était sans doute grand temps qu’elle se remette en question, parce que si amie médiocre elle était, il était toujours temps de s’améliorer.

« T'inquiète pas va, elle allait plutôt bien. Faut dire qu'elle est bien entourée. »

Lily esquissa un léger sourire. Tant mieux, alors, elle se sentait rassurée. Bien sûr, elle savait que Mary était forte, mais elle savait aussi qu’elle prenait beaucoup sur elle, et c’était difficile de savoir précisément si elle en faisait assez, si elle en faisait trop. Elle se posait trop de questions, oui, mais c’était difficile de se dire qu’on entourait bien les personnes à qui on tenait, quand elles se tournaient vers d’autres quand elles allaient mal.

«T'es une bonne amie, Evans, mais ne soit pas aussi inquiète tout le temps. Je pense que ça risque de braquer Mary. »

"Ça je le sais", répondit Lily dans un léger sourire. "Je l’ai déjà vue faire." Elle marqua une pause. "Faut pas croire, je suis pas tout le temps comme ça avec elle. Mais y a des fois où je sais qu’elle va moins bien que ce qu’elle prétend. J’ai pas à lui forcer la main, mais j’aimerais qu’elle ait suffisamment confiance en moi pour me parler comme je sais qu’elle le fait avec toi."

« Y'a pas vraiment de mal, ça prouve que tu tiens à elle... Mais franchement parfois on a juste envie d'arrêter de sentir la sympathie, tu sais ? »

Elle n'avait pas utilisé le pronom "Elle" mais "On", c'est une chose que Lily avait bien remarqué, mais se retint de souligner. Au fond, elle le savait, c'était parce qu'elles pouvaient se reconnaître dans leurs détresses respectives que Mary et Marlene s'était rapprochées, elles avaient en commun une chose que Lily ne pouvait que partiellement comprendre et n'avait évidemment aucun droit de jalouser.

Elle avait sans doute raison, sans doute que dans leur cas, ressentir constamment la compassion d'autrui devait être chose particulièrement pesante, mais ce n'était pas plus simple à vivre pour autant. Mais si Lily ne pouvait même pas compatir, déjà qu'elle avait le sentiment de ne rien pouvoir faire d'autre, que lui restait-il à faire ?

« C'est pas une question de confiance, je pense pas. Il y a des choses que je dit à Mary qu'Emmeline ne sait pas, mais ça n'en fait pas moins ma meilleure amie. C'est juste... différent ? Rah, je sais pas trop comment expliquer ça. »

Non, en effet, elle ne savait pas l'expliquer. Dire que c'était différent ne justifiait pas entièrement ce qui faisait que c'était différent, et en attendant, la rouge et or se posait des milliers de questions auxquelles elle ne trouvait tout bonnement pas de réponses... Elle aimerait qu'il y ait des mots plus clairs à mettre sur cette différence, qui lui donneraient moins le sentiment de passer à côté de ce que sa meilleure amie ressentait, et qui lui donneraient le sentiment d'être légitime en tant que meilleure amie.

Car c'était bien là le problème, ou d'une moins une partie du problème, en effet. Elle avait bel et bien tendance à ne pas se sentir légitime en tant que meilleure amie. Elle avait l'impression de passer à côté de tout, et c'était un sentiment infiniment frustrant pour elle.

Lily s'en voulait un peu de se retrouver dans cette situation : voilà qu'Emmeline lui communiquait ses conseils en matière d'amitié. Vu les circonstances, ils étaient certes bienvenus, mais ils avaient le don de l'embarrasser un peu aussi. Surtout au vu de la manière dont elle l'avait abordée.

« C'est juste qu'il y a des choses que même avec la meilleure volonté du monde tu ne peux pas comprendre sans l'avoir vécu toi même... Donc te parler comme elle me parle, c'est pas vraiment possible. »

"Oui, dans le fond, je sais bien tout ça... et c'est une bonne chose qu'elle puisse en parler avec quelqu'un qui peut vraiment la comprendre, mais ça me donne le sentiment que notre amitié est... je sais pas... superficielle ? Comme si elle restait en surface des choses, avec moi."