On veut toujours ce qu'on ne peut pas avoir (pv Alecto)

La journée va être longue, elle le sent. Elle a un emploi du temps chargé, aujourd'hui, des cours de huit heures à dix-huit heures et à peine une petite heure pour manger... à ce stade, c'est de l'exploitation. Sa pire journée de la semaine. Et évidemment, elle ne peut qu'avoir envie de s'en plaindre. Elle envisage déjà de sécher un cours ou un autre, mais... pour cela, il faut qu'elle réussisse à convaincre Amycus de faire de même, mais elle sait que ce dernier est moins prompt à violer le règlement qu'elle, alors il y a de bonnes chances qu'elle se fasse avoir. Et qu'elle supporte une journée longue et ennuyante.

Au sujet d'Amycus, d'ailleurs, cette journée commence d'autant plus mal qu'il a réussi à se laisser convaincre par l'un de ses amis de s'installer à côté de lui en cours de sortilèges. Bien sûr, bien sûr, ils ne sont pas obligés de passer tous leurs cours l'un à côté de l'autre, elle ne dit pas ça, mais elle aurait bien eu besoin de sa présence pour se mettre en jambe, surtout qu'elle-même se retrouvait sans voisin de table, ses amies ayant déjà toutes pris place. Comme on dit, mieux vaut être seul que mal accompagné. Mais quand même.

Le cours commence et Alecto somnole déjà quand la porte s'ouvre tout à coup, faisant presque sursauter la vert et argent. Elle tourne son regard vers la porte et voit le retardataire : il s'agit de Dearborn. Il balaie du regard la salle de classe et en arrive à la même conclusion qu'elle : une seule place disponible. A côté d'elle.

"C'est pas comme si j'avais le choix, pas vrai ?" répond-elle sèchement en décalant ses affaires pour que Caradoc puisse venir s'asseoir à côté d'elle.

Elle ne va pas protester, et même, la présence de Caradoc ne lui déplaît pas tant que cela. C'est difficile à expliquer, en réalité. Il n'a normalement rien pour lui plaire. Elle le trouve commun physiquement, ce n'est pas un sang pur, il est à Gryffondor, on peut dire à première vue qu'il accumule les tares, mais il a un petit quelque chose qui l'intrigue et la frustre en même temps. Elle ne dit pas que tout le monde doit tomber invariablement sous son charme, mais l'indifférence de Caradoc vis-à-vis de ses minauderies la déstabilise. Elle n'est pas habituée à susciter autant d'indifférence. Même si son charme n'opère pas, au moins elle provoque l'agacement, voir la haine, et c'est déjà quelque chose d'acceptable. Là, elle sent qu'il n'est pas heureux d'être assis à ses côtés, mais c'est plus lié, pense-t-elle, au fait de devoir s'installer avec une serpentard, n'importe quelle serpentard.

"T'es dans un de ces états, t'es tombé du lit ou quoi ?" observe-t-elle froidement.

Rien ne l'oblige à faire la conversation, mais elle le fait tout de même. Juste un petit test. De quoi faire passer le cours plus vite.

Rien, ça ne lui fait rien, ça ne doit rien lui faire. Pourquoi est-ce qu'elle se soucie de lui pour commencer, d'ailleurs ? Pourquoi ce qu'il a à lui dire l'intéresse ? Pourquoi cherche-t-elle à faire la conversation. Elle sait ignorer et mépriser, s'il y avait une médaille pour récompenser cet exercice, elle l'obtiendrait haut la main, et la médaille d'ir, cela va sans dire. Elle a une bonne excuse, qui plus est, pour l'ignorer. Ils sont en cours, ce n'est pas le cadre idéal pour se raconter sa vie. Mais en présence de Caradoc, Alecto ressent un mélange d'attirance et de frustration. Il s'en fiche. Totalement. Elle ne l'intéresse pas.

Et elle devrait l'accepter. On ne peut pas plaire à tout le monde, encore moins quand on a le caractère qu'elle a, un caractère tantôt de feu, tantôt de glace. Mais elle ne comprend pas. Elle voudrait juste qu'il la trouve intéressante. S'il lui donnait le sentiment qu'elle lui plaît, même le temps d'une fraction de seconde, elle se sentirait tout à coup importante, elle aurait tout à coup le sentiment de compter pour quelque chose. Et ce sentiment qu'elle a en présence de Caradoc disparaîtrait sans doute d'un claquement de doigt. Mais à la place, il se montre désagréable, presque agressif, et ça lui donne envie de creuser sous la surface.

"Je vois pas ce qu'il y a de drôle là-dedans", réplique-t-elle avec froideur.

C'est une réponse d'une mauvaise foi absolue. C'est rien de le dire. Elle peut se montrer agressive et désagréable avec ses pairs pour bien moins que ça. Une malencontreuse marque d'oreiller sur votre joue vous vaudra ses quolibets durant une bonne semaine au moins. Mais elle a l'intention de se montrer un peu plus coulante. Parce qu'elle veut réussir à cerner le rouge et or, elle veut parvenir à percer sa carapace. C'est plus une sorte de défi personnel. Quand elle y parviendra, si elle y parvient, son comportement changera certainement du tout au tout, une bonne fois pour toutes.

"T'es insomniaque, c'est ça ?"

C'est quelque chose qu'elle serait capable de comprendre, car Alecto est insomniaque elle-même. Elle préfère souvent veiller tard que de faire face, sous ses paupières clauses, à ses pires cauchemars, qui se matérialisent toujours sous la forme du visage de son père. Elle doit lui échapper, à ce cauchemar trop réel. Ceux qui disent qu'il faut faire face à ses démons sont des crétins. Non, il vaut mieux les éviter le plus possible, par tous les moyens envisageables, quitte à fuir à toutes jambes. Caradoc a-t-il des démons lui aussi ? Alecto se soucie rarement de ceux des autres, elle est bien trop focalisée sur elle-même. Mais c'est une hypothèse qui ne lui paraît pas improbable.

Alecto doit laisser couler. Elle n'a pas de raisons de lui parler, ou d'insister, il est fermé au dialogue et elle-même ne devrait pas avoir ce temps à perdre. Techniquement. Mais concrètement, c'est autre chose. Elle n'a pas forcément l'intention de suivre ce cours, et pour la vert et argent, Caradoc Dearborn constitue un certain défi. Parce qu'elle ne l'intéresse pas, elle veut l'intéresser. Si elle l'intéressait, il ne l'intéresserait pas. Somme toute, il sait s'y prendre sans vouloir s'y prendre, et il a gagné. Même s'il est fermé, elle veut insister. Plus il sera fermé, plus elle voudra insister. Et après tout, pourquoi pas ? Ce n'est pas comme si elle avait grand-chose d'autre à faire de toute manière.

Elle a besoin de se divertir et il lui en donne l'occasion. Lui parler, même pour ne rien dire, sera de toute façon plus intéressant que de suivre les cours. Elle affiche un doux sourire quand Caradoc lui demande si c'est le fait qu'elle s'emmerde qui la pousse à lui poser des questions. Son franc parler pourrait l'agacer, mais elle préfère s'en amuser. Surtout qu'il a raison, c'est tout à fait ça. En cours, elle s'emmerde ferme. De manière générale, elle a constamment besoin de se divertir. Elle a sa manière bien à elle de parvenir à ses fins. Le rouge et or est le divertissement parfait. Et puis, plus ça va, plus il l'intrigue. Et ça parce qu'il l'intrigue malgré lui quand d'autres font vraiment beaucoup d'efforts pour intriguer les autres, sans forcément parvenir à leurs fins.

"Eh bien, ce n'est pas le cours le plus passionnant du monde, tu en conviendras", répond Alecto sans perdre ce sourire qu'elle sait susceptible de plaire au sexe opposé, même si Caradoc, lui, y a toujours été parfaitement insensible.

Ce n'est pas très juste envers le professeur Flitwick. En réalité, elle ne trouve pas ça si terrible, les enchantements. Elle trouve même ça plutôt intéressant, et ça a le mérite d'être un cours dont l'utilité n'est pas à prouver, contrairement à d'autres dont elle ne sait toujours pas à l'heure actuelle à quoi ils sont supposés servir. Mais ça reste un cours, et n'importe quel cours est, aux yeux d'Alecto, proprement rébarbatif. Elle n'a pas l'intention de faire l'effort d'écouter. Non, il ne faut pas tant lui en demander. L'adolescente préfère se laisser porter par le courant.

"Avoue qu'il y a pire que de devoir parler avec moi. De toute façon, tu ne m'as pas l'air en état d'écouter quoi que ce soit de ce que Flitwick essaie de déblatérer."

Et là, il lui fera peut-être l'affront de rétorquer qu'il préférerait ne pas avoir à lui parler, mais trop tard. Alecto a bien l'intention de lui tenir la jambe.

On ne dirait pas forcément, comme ça, mais Caradoc est vraiment capable de se montrer cinglant quand il le décide. C'est une chose qui devrait certainement rebuter Alecto, mais ce n'est pas le cas du tout. Au contraire, même, l'adolescente aime bien découvrir combien il est capable de se montrer caustique quand quelque chose l'incommode. Sur ce point, ils se ressemblent peut-être plus que ce que la vert et argent aurait pu présumer en ne le voyant que de loin.

Alecto n'écoutera pas les conseils du rouge et or. Qu'il ait envie qu'elle se la ferme ou non lui importe peu. Si elle avait dû recevoir un gallion à chaque fois qu'on lui a fait remarquer qu'elle en fait trop et qu'elle devrait se taire, elle serait richissime. Plus qu'elle ne l'est déjà grâce au confortable héritage de sa famille. Elle n'en fait qu'à sa tête, malgré tout, et elle possède même un remarquable esprit de contradiction. Plus on lui fait remarquer une chose, plus elle sera tentée de faire l'inverse, et quand il est question de faire l'inverse de ce qu'on attend d'elle, elle n'a pas son pareil, et surtout, elle ne manque pas d'imagination. Elle trouve toujours l'art et la manière d'en faire à chaque fois davantage, quitte à se montrer particulièrement, mais alors particulièrement incommodante.

Ce n'est pas forcément comme ça que l'on séduit, et elle a beau y faire, Caradoc semble devoir lui demeurer singulièrement insensible, ce qui est très irritant pour elle. Mais certains garçons aiment qu'on les provoque. Susciter un sentiment, même négatif, c'est empêcher avant tout le moindre début de commencement d'indifférence, et la vert et argent préfère déranger et / ou incommoder plutôt que de laisser les gens qui l'entourent dans la plus stricte et totale indifférence.

"Tu sais que tu peux être sacrément caustique, quand tu t'y mets ? On dirait pas, comme ça, mais t'as de la repartie."

Elle prend le temps de le considérer de haut en bas, depuis ces grands yeux qui en ont déjà fait fondre plus d'un mais qui le laissent visiblement tout ce qu'il y a de plus insensible, et au-delà d'insensible, même. Elle ne dit pas que tous les garçons ne doivent pas lui résister, elle n'a pas la chance, comme Artémis, d'être une demi-vélane. Mais un petit effort, rien que ça...

"Tu as du caractère, c'est dommage que tu ne le mettes pas en avant plus souvent, je trouve."

Et voilà, s'il tenait à ce qu'elle arrête de lui parler, ce n'est pas fini. Et encore, elle a encore bien des choses à lui dire en tête. Pas de bol pour lui, elle ne compte pas lui lâcher la grappe si facilement.

Alecto affiche un doux sourire qui ne dissimule pas son incrédulité quand son interlocuteur suggère que mettre à profit son caractère incisif ne lui apporterait rien. Elle est intimement convaincue du contraire. Bien sûr que si, tout le monde devrait révéler le meilleur de son caractère. Bien sûr, l'effet de surprise n'est pas forcément déplaisant, et c'est bien d'avoir plus d'une corde à son arc, c'est d'ailleurs comme ça que la blondinette conçoit toujours la vie et les choses. Et elle veut croire que ça lui a bien souvent rendu service, et que ça continuerait de lui rendre service. Elle sait qu'elle ne doit pas insister avec Caradoc, surtout qu'un cours n'est pas forcément la meilleure façon de gagner et surtout de retenir son attention, mais voilà, Alecto Carrow est d'un naturel particulièrement persévérant, et il ne faut pas s'attendre à ce qu'elle lâche l'affaire.

Surtout que capter l'attention de Caradoc Dearborn est devenu une sorte de mission personnelle, à la longue. Elle ne peut pas la mettre de côté, elle ne peut pas abandonner. Elle a bien l'intention de lui tenir la jambe, et elle compte faire que ça finisse par lui plaire, à la longue. De ce point de vue, il y a du travail, elle s'en rend bien compte, mais ça ne l'inquiète pas outre mesure, en fait. Parce qu'elle sait ce qu'elle fait. Et elle n'a jamais eu peur des challenges. Encore faut-il qu'il lui laisse le temps et l'occasion d'emporter celui-là. Elle n'aime pas le reconnaître, mais en attendant, il lui donne vraiment du fil à retordre, plus qu'elle ne le voudrait. Cela fait partie du défi, du challenge, il ne faudrait pas que ce soit trop facile, bien sûr, mais elle aimerait entrapercevoir une marge de progrès quand même, ce serait plus facile comme ça. Là, elle tâtonne, elle sait qu'elle doit réussir à capter son attention sur un point spécifique, et la tâche n'est pas aisée.

"Je me suis toujours intéressée à toi, Caradoc, voyons", répond-elle en décidant d'y aller au culot. C'est peut-être la meilleure façon de retenir cette attention qu'elle attend tant, désespérément, de sa part. "C'est la première fois que tu t'en rends compte, c'est tout", ajoute-t-elle d'un ton volontairement mystérieux.

Ce ton-là a souvent le don d'en faire craquer certains, elle sent que si c'était si simple avec le rouge et or, elle l'aurait déjà dans la poche depuis un bail, mais elle est patiente... dans la mesure du possible. Surtout curieuse de voir à quel moment la situation pourrait éventuellement s'inverser, d'une façon ou d'une autre.

Pourquoi est-ce qu'elle le calcule pour commencer ? Alecto elle-même se pose la question. Elle sait que c'est son esprit de contradiction, imbattable, qui carbure à toute allure quand elle est en sa présence. Il aurait simplement pu faire comme Damoclès, baver sur son passage, jouer les maladroits, les intéressés, et on se serait arrêté là. Mais non, Caradoc s'en fout complètement. Bon, elle sait bien que tous les garçons ne sont pas intéressés par elle (même si elle n'a le sentiment qu'ils devraient tous l'être par principe), mais en ce qui le concerne, il y a vraiment quelque chose qui ne colle pas, qui ne colle pas du tout, même. Elle sent qu'il y a quelque chose chez ce garçon qu'elle ne cerne pas.

Elle n'arrive pas à mettre le doigt dessus, mais c'est là, et elle a besoin d'en apprendre plus. Donc pourquoi est-ce qu'elle le calculerait ? Parce qu'il ne la calcule pas, tout simplement. Et elle ne supporte pas de passer inaperçue. Elle a besoin qu'on la remarque, elle a besoin qu'on fasse à tout prix attention à elle, par tous les moyens. Son besoin d'attirer la lumière est total et constant, toujours. Elle hausse les épaules, et elle ne vas pas répondre ça directement. Elle attend des autres qu'ils lisent entre les lignes quand elle-même ne se dévoile pas à son propre sujet. C'est difficile à comprendre évidemment. Mais elle ne demande pas à être comprise en quelques secondes. Et elle ne veut pas être comprise en quelques secondes, d'ailleurs. Elle aime être le plus cryptique possible.

"Tu n'es pas aussi inintéressant que tu as l'air de le croire, Caradoc. Tu as plein de qualités, plein de qualités, que tu ne te soupçonnes pas forcément, et qui donnent envie de creuser davantage. Si tu t'ouvrais, juste un tout petit peu, je suis certaine que toi-même tu t'en rendrais compte."

Alecto en fait des caisses et des caisses pour la bonne mesure, mais après tout, pourquoi pas ? Elle sait que pour attirer l'attention et la curiosité de son interlocuteur, il est préférable qu'elle en rajoute, elle suscitera peut-être son exaspération dans la foulée, mais au moins elle aura son attention, et avoir l'attention d'autrui importe plus que n'importe quoi d'autre à ses yeux. Et c'est aussi sa manière à elle de garder le dessus sur la conversation, car ça aussi, c'est très important pour elle de toujours garder le contrôle, quoi qu'il advienne, même d'une discussion qui peut sembler anodine pour commencer. C'est illusoire, il y aurait sûrement matière à psychanalyser derrière, mais vous aurez compris.

Alecto sait que l'affaire n'est pas gagnée du tout, mais Alecto est tout de même particulièrement confiante. Elle sait bien qu'il en faudrait plus pour que Caradoc lui trouve soudainement l'intérêt qu'elle estime mériter et qu'il accorde à tant d'autres, mais au moins il semble près à considérer sa présence, à ne pas l'ignorer. Jusqu'ici, il ne faisait que lui envoyer des piques et à espérer qu'elle lui lâche la grappe.

Maintenant, il semble intrigué, il lui pose des questions... sans doute qu'il cherche à la prendre au piège, aussi. Mais peu importe. Alecto estime que personne n'est capable de la piéger. C'est faux, archifaux. Elle est déjà prise au piège de sa propre vie, de l'ombre de son père, alors elle n'est finalement ni libre, ni si sûre de ce qu'elle peut obtenir ou non. Mais s'en donner l'illusion, après tout, c'est déjà le début du succès.

Est-ce qu'elle peut citer trois qualités qui ne sont pas des défauts déguisés ? Oui, bien sûr que oui. Alecto l'attend comme un défi. Et relever les défis, c'est une chose qu'Alecto adore particulièrement faire. C'est vrai que faire des compliments qui sont des défauts déguisés, c'est un peu sa spécialité, et une chose qu'elle aime particulièrement faire. Piquer les gens en passant par des voies détournées, c'est quelque chose qu'elle adore faire. Mais là, elle sait que Caradoc ne saura pas se satisfaire de ça. Alors il va falloir qu'elle s'y prenne différemment.

"Déjà, tu as du cran et de la repartie." C'est la première chose qui lui vient en tête. C'est logique, puisque Caradoc lui a bien montré qu'il avait du répondant. Les gens qui ont du répondant, c'est une chose qu'Alecto apprécie très franchement. "T'es loin d'être bête, aussi, t'es très observateur." Elle sait qu'il ne brille pas par ses résultats scolaires. Mais il y a tout un tas de formes d'intelligences différentes, et Alecto a toujours considéré que l'intelligence scolaire était surfaite. Bien sûr, il faut ce qu'il faut, mais bon."Et t'es plutôt mignon, aussi. Enfin, dans ton genre, quoi."

D'accord, le dernier compliment est peut-être un reproche déguisé, on ne se refait pas. Mais pour sa défense, elle a formulé plus de trois compliments. Donc ça passe, non ? Non, peut-être pas. Mais elle joue le jeu, et cela, il devra bien le lui reconnaître. Alecto estime qu'elle se donne du mal pour attiser l'intérêt de son interlocuteur. Il faut bien que ça paye, non ? En attendant, ça fait passer le temps, et ça, c'est toujours une bonne chose à prendre, peu importe les circonstances.

Alecto n'est pas quelqu'un de facile à embarrasser. Elle a tendance à assumer tout ce qu'elle fait et tout ce qu'elle dit, et c'est parce qu'elle a bien l'intention de les assumer qu'elle est toujours, constamment, dans le contrôle de ses propos et de ses actes. Elle sait qu'elle ne doit surtout pas faire un pas de travers. Ce ne serait sans doute pas la fin du monde, mais à son échelle personnelle, c'est ainsi, elle ne le supporterait pas.

Alors elle reste certaine de son discours et de ses gestes... Oui, mais en cet instant, au moment où Caradoc suggère qu'elle est peut-être en train de le draguer, elle sent l'embarras poindre doucement mais sûrement. Elle s'en défendra, heureusement, le rouge ne lui monte pas facilement aux yeux, mais quand même, elle ne s'attendait pas à une question à ce point directe de sa part. Et quelque part, il l'intéresse d'autant plus, à réagir de cette manière, il revêt d'office et d'autorité un intérêt nouveau à ses yeux, et ça ne lui déplaît définitivement pas.

Elle le tient pour quelqu'un de discret, qui ne parle jamais aussi frontalement, alors elle est un petit peu prise au dépourvu, à l'heure actuelle. Elle le tient pour quelqu'un qui n'irait pas la confronter complètement, et pourtant, c'est pile ce qu'il vient de faire. Il est sur la défensive, peut-être, mais là encore, c'est un point de caractère qui ne lui déplaît pas spécialement. Au contraire, même, elle y trouve une certaine satisfaction, elle doit bien le reconnaître. Elle passe une main de sa chevelure blonde-argentée derrière son oreille et le gratifie d'un sourire qu'elle veut décontracté.

"Si je te draguais, crois-moi, je serais beaucoup plus directe que ça. On peut te faire des compliments sans vouloir forcément quelque chose derrière, tu es au courant ?" Elle marque une pause. "Mais si l'idée t'es venue à l'esprit, c'est peut-être parce que tu l'aurais voulu, dans le fond", suggère-t-elle ensuite, prenant la décision de retourner la situation : ça aussi, c'est une des méthodes qu'elle aime le plus. "Je te trouble, peut-être ?" suggère-t-elle ensuite en toisant Caradoc d'un regard qui ne le lâche pas.

Elle veut avoir le pouvoir sur les autres, sur leurs émotions et sur leurs pensées. Dans les faits, ce n'est pas une chose possible, d'accord, mais ça ne l'empêche absolument pas de vouloir regarder les choses sous cet angle bien précis. Ainsi, elle retrouve sa contenance, et sa précieuse contenance lui est définitivement d'une importance plus que capitale.