La déception ne vous déçoit jamais (Severus)

Lily était quelqu'un de rancunier, qui ne pardonnait pas facilement. Mais si elle était ainsi, elle estimait que c'était pour de bonnes raisons. En ce qui concernait Severus, sa décision était radicale, mais la rouquine ne changerait pas d'avis.


Lily en avait assez de fermer les yeux sur le comportement que Severus adoptait quand elle n'était pas dans les parages. L'été dernier, il avait franchi la limites de trop. Oui, elle serait capable de pardonner, si Severus se remettait en question, s'il renonçait à ses fréquentation, s'il arrêtait de répéter les idées stupides et rétrogrades de ses camarades de classe comme s'il s'agissait de vérités absolues.


Tant que ce ne serait pas le cas, elle ne lui laisserait rien passer. Et elle craignait malheureusement que la situation ne s'améliore pas.


Elle n'allait pas mentir, il lui avait manqué, cet été, mais elle avait tout de même tout mis en oeuvre pour ne pas croisé son chemin de toutes les vacances. Elle savait que ce ne serait pas aussi simple maintenant qu'ils étaient de retour à Poudlard. Ils avaient des cours en commun, ils étaient dans la même année, en toute logique ils auraient plus d'une occasion de se retrouver dans la même pièce. Mais tant pis, elle le traiterait comme elle traitait n'importe lequel de ses camarades chez les verts et argent : avec une saine indifférence.


Cela faisait quelques jours que les cours avaient repris, et pour le moment, elle avait su éviter la moindre conversation/confrontation avec Severus. Ce qui lui convenait très bien, et elle avait le ferme intention de s'en tenir à la même lignée jusqu'à la fin de l'année scolaire. Jusqu'à la fin de sa scolarité, point.


Lily avait décidé de passer sa fin de journée à la bibliothèque, avant de procéder à sa ronde protocolaire, en préfète appliquée (et impliquée) qu'elle était. En ce début d'année, les devoirs avaient rapidement retrouvé leur place dans leur routine. Certes, le rythme était encore un peu tranquille, mais justement, Lily comptait bien en profiter pour s'avancer avant qu'ils ne finissent par être débordés. Plus les années avançaient, plus le rythme de travail était exigeant, et Lily comptait bien mettre toutes les chances de son côté pour obtenir les meilleurs résultats.


Elle potassait son devoir de métamorphose dans la bibliothèque pour le moment complètement vide (comme de coutume en cette période de l'année) quand elle entendit le grincement d'une porte qui s'ouvre. Elle leva le regard, puis baissa aussitôt les yeux. Severus venait d'entrer dans la pièce.

Lily espérait que Severus, en la voyant, prendrait la sage décision de s'en aller, de quitter la bibliothèque et de se réfugier elle ne savait où, loin de ses yeux, de préférence, mais elle comprit bien vite que ce n'était pas de cette manière que les choses allaient se passer.

Lily n'était pas du genre à fuir le conflit ou le dialogue. Quand elle estimait qu'il était nécessaire de parler, elle n'hésitait pas à dire ce qu'elle avait sur le coeur, quand quelque chose la dérangeait, elle n'y allait pas par quatre chemins et l'exprimait aussitôt, avec diplomatie, certes, mais franc parler tout de même.

Alors elle ne cherchait pas vraiment à fuir la discussion, ce n'était pas de ça qu'il s'agissait, c'était seulement qu'à ses yeux, aucune forme de conversation n'était nécessaire. Ils s'étaient dits tout ce qui devait être dit... Ce qui n'était pas grand-chose, mais bien assez malgré tout. Elle n'avait pas vraiment parlé pour sa part. Mais lui avait dit les mots de trop. Il l'avait traité de sang-de-bourbe. Il pourrait s'en excuser de toutes les façons possibles, ça n'y changerait absolument rien... Ce qu'il avait dit, il ne pourrait jamais le retirer, elle en gardait le souvenir vif et douloureux, et ça resterait le cas quoi qu'il advienne, quoi qu'il puisse lui dire pour se rattraper.

« Lily… Est-ce… est-ce que je pourrais te parler… un peu ? »

La rouquine pourrait facilement se laisser émouvoir par les tremblements dans la voix de Severus, elle leva les yeux vers lui, et en le voyant, elle pouvait capter tout son inconfort, et tous ses regrets, aussi. Elle savait bien qu'il regrettait... ou elle avait envie de le croire, en tout cas. Une amitié qui durait depuis tant d'années, brisée tout à coup. 

Il n'aurait pas eu de coeur si ça ne lui avait rien fait. Et Lily le savait, elle était peut-être même l'une des seules à le savoir, d'ailleurs : Severus Rogue avait du coeur, mais il n'en avait pas eu assez pour préserver la seule personne qui avait toujours fait attention à lui, qui avait toujours été à l'écoute, qui lui avait toujours tendu une main amicale.

"On s'est déjà tout dit, tu ne crois pas ?"

« Je t’en prie… »

Les yeux verts de Lily toisèrent Severus avec le plus d'indifférence possible. La vérité, c'était qu'elle était loin d'être insensibles. Severus et elle étaient amis depuis presque toujours, bien sûr qu'elle n'aimait pas le voir dans cet état. Mais elle était surtout rancunière. Il était hors de question pour elle de céder si facilement sous prétexte qu'il avait à présent des scrupules. 

Cela ne changeait absolument rien à ce qu'il avait fait, et surtout à ce qu'il avait dit. Les mots qu'il avait prononcés, il ne pouvait pas les effacer, et ils ne pouvaient pas faire comme si de rien n'était et juste décider de faire table rase. C'était beaucoup trop grave, et surtout, cela faisait écho à une situation plus globale. Cela n'avait fait que confirmer une chose que l'adolescente savait depuis un moment déjà, même si cela lui avait fait trop mal de l'admettre. Tous les deux, ils empruntaient des chemins radicalement différents, et elle s'était raisonnée. Même si ça l'attristait, ils n'avaient plus la moindre chance de se recroiser.

 « Je suis tellement désolé. »

Il le lui avait déjà dit, et elle avait la faiblesse de penser que c'était une chose qu'il pensait effectivement. Elle voulait honnêtement croire qu'il avait un coeur, et qu'il était honnêtement désolé pour ce qu'il lui avait fait, mais ça ne changeait rien, au fond, ou du moins bien peu de choses. Il pourrait s'excuser encore et encore, ça ne changerait rien. Lily n'avait pas besoin que l'on implore son pardon, éternellement et de façon répétée, elle avait besoin d'actes, de preuves. Mais à ce stade, elle ne pensait pas qu'il serait capable de lui en donner.

Elle le voudrait. Severus lui manquait, leur amitié, leurs conversations lui manquaient, mais il avait foulé au pied tous ses principes, et elle n'était pas capable de passer outre cela, elle ne se voyait pas prétendre que ça n'avait rien de grave. Si, c'était grave, beaucoup trop grave pour être pardonné.

"Je sais que tu l'es", rétorqua en se montrant aussi froide qu'elle le pouvait. "C'est la moindre des choses", ajouta-t-elle alors. "Mais ça ne change rien à ce que tu m'as dit, ou à ce que tu penses." Elle croisa les bras. "Tu as l'intention de laisser tomber la bande de sombres crétins qui te mettent ces idées stupides dans la tête ?"

Car ça, ce serait une preuve... S'il réussissait à lui montrer qu'il ne considérait pas réellement les enfants de moldus comme des moins que rien, à l'instar de ses petits camarades. Pas juste elle. Tous les enfants de moldus.

« Ce sont… mes amis. »

Cette réponse était tout l'inverse de ce que Lily avait voulu entendre, mais ça avait au moins le mérite de tirer les choses au clair. Elle avait espéré qu'il se défende, qu'il admette qu'il ne s'agissait que de camarade mal intentionnés, dont il n'approuvait de toute manière pas les idées. Mais non, il insistait, il s'engluait dans ce que Lily estimait être son erreur. Elle aurait eu bien du mal à lui pardonner les mots qu'il lui avait adressés, mais elle aurait pu reconsidérer la chose si son ami d'enfance avait su affirmer qu'il ne partageait pas les idées qu'il avait si violemment exprimées ce jour-là.

C'était une attaque qu'elle ne pouvait pas entendre, oublier et pardonner. "Sang-de-bourbe", ce n'est pas une simple insulte, elle renfermait toute une conotation que la rouquine serait bien incapable de passer sous silence, encore moins à l'heure ou des idées si dangereuses détruisaient des vies, des familles. Rabaisser les siens, ceux qui étaient de son sang, c'était... bas, et révélateur d'opinion nocives et toxiques. Les amis de Severus avaient bon dos, Lily voulait voir du bon en Severus... mais elle commençait à croire que cette bonté qu'elle pensait être la seule à avoir su distinguer avait été un leurre. Elle ne serait jamais l'exception qui confirmerait la règle, elle ne voulait pas tenir ce rôle-là, alors si Severus n'était pas capable de se détourner de ces idéaux profondément dangereux pour devenir une meilleure personne, elle ne pouvait rien pour lui.

"Alors, dans ce cas... je ne suis plus la tienne, Severus."

C'était elle ou eux, oui. On pourrait affirmer que c'était un chantage odieux, qu'elle lui faisait, mais elle n'en éprouvait pas de scrupule, elle estimait même le faire pour son bien, en réalité. Il fallait qu'il se raisonne, il fallait qu'il revienne à la raison... mais elle commençait à douter du fait qu'il ait même eu cette raison un jour. 

Tirer un trait définitif sur son amitié avec Severus lui faisait du mal, bien sûr, elle n'allait pas faire semblant du contraire. Ils se connaissaient depuis presque toujours. Grâce à lui, elle ne s'était plus sentie si différente, elle avait apprivoisé qui elle était... C'était un comble de se dire que celui qui avait si bien su l'accepter comme elle était autrefois était celui qui faisait preuve d'une telle intolérance aujourd'hui. Une intolérance qu'elle ne pouvait pas laisser passer.

"Et toi, est-ce que tu serais prête à tous les abandonner pour moi ?"

Lily serra les dents. Peut-être que c'était une erreur de sa part que de ne pas se remettre elle-même en question et de rejeter toute la faute sur son interlocuteur, mais elle estimait tout de même que Severus se montrait franchement injuste en cet instant.

Parce que oui, leurs cercles d'amis n'étaient définitivement pas les mêmes, mais en attendant, elle avait toujours pris sa défense à lui en présence de ses amis, et ces derniers, s'ils n'avaient jamais compris son amitié avec le vert et argent, ne l'avaient pas pour autant poussé à intégrer un quelconque mouvement extrémiste pour venir insulter les personnes qui lui étaient les plus proches. Seule avec ses amis, Lily avait toujours affirmé que Severus valait plus que ce qu'il montrait. Severus, seul avec ses amis, la traitait sans doute de tous les noms sous le prétexte que ses parents étaient de "sales moldus".

"Tu me demandes ça, mais après tu passeras ton temps avec ce crétin de Potter."

Lily afficha des yeux ronds. Elle ne voyait franchement pas ce que James venait faire là-dedans, surtout que le jeune homme et elle étaient loin de passer tout leur temps ensemble. Bon, d'accord, elle s'attachait peut-être doucement à lui, et l'appréciait sans doute plus que ce que ses saillies constantes à son encontre laissaient deviner, elle voulait bien l'admettre, mais ils n'étaient certainement pas à "passer tout leur temps ensemble". Mais après tout, même si c'était le cas ? Elle avait bien des reproches à faire à James, mais ils étaient ridicules en comparaison de la trahison qu'elle estimait venir de Severus.

"James, au moins, ne m'a jamais insultée publiquement et traitée comme tu l'as fait."

Tant pis si le fait qu'elle mettait James en valeur à ses dépens devait agacer Severus. Tant mieux si ça pouvait le blesser, même. Si cela pouvait au moins avoir le mérite de l'inviter à réfléchir un tant soit peu.

"Tu es injuste Severus. J'ai toujours pris ta défense, je t'ai toujours soutenu. Ne commence pas maintenant à me faire passer pour une mauvaise amie. Tu m'as humiliée, alors que justement je prenais ta défense contre James. Tu ne retourneras pas cette situation contre moi."

« Tu ne comprends vraiment rien… »

Lily serra les dents. Elle aimerait croire qu'il ne s'agissait que de cela, d'un quiproquo, d'une difficulté de compréhension mutuelle, de quelque chose qui, par conséquent, pourrait facilement se résoudre. Elle avait beau se montrer très sévère avec Severus, elle n'en était pas moins toujours attachée à lui. On n'efface pas des années d'amitié comme cela.

Alors elle aimerait qu'il sache lui donner un bon prétexte pour lui pardonner et faire table rase. Elle était fière, elle n'aimait pas qu'on mette le doigt sur ses erreurs ou qu'on l'accuse de ne rien comprendre, mais elle l'accepterait si Severus avait une vraie bonne excuse. Mais elle ne réussissait pas à lui en trouver.

« Moi aussi… j’ai été humilié. »

Lily baissa un instant le regard. Elle le savait, bien sûr, et combien de fois n'avait-elle pas compati, justement, au sort qu'on lui faisait subir. Elle avait toujours trouvé le comportement de ceux qui harcelaient et martyrisaient son ami au-delà de toute excuse (et encore, elle ne savait pas tout... elle vivrait vraiment très mal le fait d'apprendre que l'inconséquence des maraudeurs aurait pu coûter la vie du vert et argent). Et elle comprenait que ce puisse être douloureux, même si elle-même n'avait jamais subi ce genre de harcèlement.

Oui, elle le savait et elle se sentait blessé qu'il puisse penser qu'elle n'avait jamais pris cela en considération, alors qu'elle avait toujours été présente, à chaque fois, pour le défendre à chaque fois que l'on s'en prenait injustement à lui, quitte à susciter l'incompréhension de son entourage qui n'avait jamais compris l'affection que Lily et Severus avaient l'une pour l'autre.

"Est-ce que j'ai prétendu le contraire ? C'est pas une excuse pour autant." Elle marqua une pause. Elle n'avait pas envie d'avoir cette conversation, mais elle pouvait reconnaître qu'elle était nécessaire. "Que tu m'insultes sous l'effet de la peur ou de la colère, à la limite - et je dis bien à la limite -, je pourrais le concevoir. Mais ce n'est pas seulement que tu t'en sois pris à moi, qui est un problème, c'est la nature de ton insulte."

Elle aurait été particulièrement blessée dans tous les cas, mais en la traitant de sang-de-bourbe, il avait dans le même temps insulté toute une communauté, il avait affiché une inclination morale qui était inexcusable.

"Est-ce que tu penses vraiment que les gens comme moi sont inférieurs ?"

« Ce n’est pas ça mais… »

Déjà, ça commence très mal. Est-ce que Lily a envie d'accorder le bénéfice du doute à Severus ? Oui, bien sûr que oui, mais encore faut-il que ce dernier daigne se montrer au-delà sincèrement navré, aussi convaincant... Sauf que c'était trop tard. Elle savait quelle réponse elle voudrait entendre, mais elle savait aussi que si le vert et argent devait les lui adresser, ils ne pourraient pas être complètement l'être. Parce que Severus avait choisi son camp, si terrible ce camp soit-il.

Oui, car ça ne pouvait pas plus mal commencer, effectivement. Il n'avait même pas commencé à se justifier qu'un "mais" faisait déjà irruption dans sa réponse. A partir de là, comment ne pas redouter que la situation ne s'envenime ?

« C’est juste que… Ces personnes, ils ne sont pas capables de nous comprendre. Regarde ta sœur… ils ne peuvent pas nous comprendre, ils ne nous accepteront jamais. »

Evidemment, Severus savait comment taper juste : logique, il faisait partie des personnes qui la connaissaient le mieux, il ne pouvait ignorer, par conséquent, combien le sujet "Pétunia" était délicat, et à quel point la distance qui s'était doucement, vicieusement instaurée entre elle et sa soeur, sa soeur qui la traitait à présent avec mépris, la faisait souffrir. Il marquait un point, quelque part, mais ce n'était pas pour autant qu'elle comptait le prendre pour argent comptant.

"Laisse Pétunia en dehors de ça, d'accord." Elle poussa un grand soupir. "Pour toi, la solution quand on a affaire à une personne qui ne veut pas nous comprendre, c'est de les attaquer et de les détruire ? Je te pensais plus intelligent que ça." Elle marqua une pause. "Et j'ai des dizaines de contre-exemple qui prouvent que les Moldus sont parfaitement capables d'accepter et de comprendre les sorciers, regarde mes parents !"

Mr et Mrs Evans avaient été les premiers à s'enthousiasmer d'apprendre que leur fille était une sorcière, ils avaient presque été plus euphoriques qu'elle à cette annonce. Et depuis, ils n'avaient fait que s'émerveiller de tout ce qu'ils découvraient du monde des sorciers. La rouquin savait, d'ailleurs, que c'était très probablement ce qui motivait le comportement de sa soeur. Elle n'obtenait pas une telle attention de la part de leurs parents.

"Je ne devrais plus être surprise, mais je n'en reviens pas que tu sois à ce point... comme eux."