Le retour et les retrouvailles tant attendus

Septembre. Le mois ayant le plus de signification pour les étudiants, car il signifiait la reprise de la scolarité, avec la fin de l'été et l'arrivée de l'automne. En cela, il pouvait annoncer une certaine morosité. C'était le retour du stress, des devoirs à rendre, des révisions occasionnant des nuits blanches, conjugués à la disparition progressive du soleil et au changement de couleur des feuilles des arbres. Encore que, ce spectacle naturel était plutôt plaisant à voir, même s'il ne durait qu'un temps, les feuilles se détachant progressivement des branches qui les alimentaient jusque là.

Pourtant, loin de cet état d'esprit, certains élèves étaient ravis du retour à l'école, à Poudlard plus précisément. Sans aucun doute que la proportion des jeunes ravis de retourner à leurs études serait moindre s'il était question d'une école moldue, avec l'apprentissage ennuyeux des mathématiques, difficile du français et soporifique de l'histoire. Quoique à Poudlard, il y avait un équivalent pour cette matière, à cent pour cent. Pourtant, elle aurait pu être intéressante, c'était le professeur qui la rendait ennuyeuse.

Lyra faisait partie de ces élèves, ceux contents de retourner à Poudlard. L'été lui avait semblé durer une éternité. Elle n'était pas beaucoup sortie et s'assurait au maximum de le faire lorsque son père, Jacob, était à la maison, pour pouvoir l'éviter. Heureusement, elle avait une autre solution : s'enfermer dans sa chambre et cela lui convenait très bien. Elle n'était pas seule d'ailleurs, puisque Nikki, sa petite chouette effraie, lui tenait compagnie la plupart du temps. Elle ne s'absentait longuement que lorsque Lyra écrivait à ses amis. Elle craignait souvent qu'il lui arrive quelque chose sur sa route, mais bon, c'était un animal issu du monde sorcier alors les risques étaient moins importants.
Elle avait tout de même passé de superbes journées, durant lesquelles elle avait revu certains de ses amis, dont Kieran, l'un de ses deux meilleurs amis. Ces moments avaient été pour elle de véritables bouffées d'air frais. Durant ces quelques heures, elle retrouvait les rires, le sourire, bref, les joies de la vie en somme. Partager un verre autour d'une table, jouer à un jeu de société, visiter des fêtes foraines et autres. Pas de voyage luxueux ou autres choses extravagantes, mais la simplicité. Et cela avait été parfait pour Lyra, elle n'avait besoin que de ses amis. Voyager dans le plus bel endroit de la Terre, seule, ne lui aurait jamais procuré autant de plaisir que partager une petite promenade avec l'une des personnes qui partageait sa vie.

Mais en dehors de ces instants de bonheur, elle vivait dans une ambiance pesante, lourde, bien plus pénible que les températures élevées de l'été. Jacob faisait son possible pour améliorer la situation, retrouver la relation d'antan qu'il entretenait avec sa fille, il y a de cela de nombreuses années, une éternité du point de vue de la jeune sorcière. Il était maladroit, ne savait pas comment s'exprimer face à elle, quoi lui dire. Mais il essayait, dommage qu'elle se montrait tellement fermée. Leur discussion se résumait souvent à « comment vas-tu », réponse « bien » ; « que veux-tu manger ce soir », réponse « je ne sais pas », sans aucune relance de la part de la demoiselle. Ni de son père du coup. Il lui avait même proposé un soir de se rendre au restaurant où il travaillait pour qu'il lui offre un meilleur repas que ceux qu'il pouvait préparer, et, à force d'insistance, elle avait répondu « d'accord, je vais y réfléchir ». Mais sa réflexion ne dura pas plus de trois secondes. Alors il arrêta d'insister. Elle n'y mettait pas beaucoup du sien c'est vrai, mais en même temps, il était difficile de réparer les actes de 4 ou 5 ans sur une année. D'autant plus quand on est rancunier.
La discussion ne s'orientait jamais vers le passé cependant. Jacob n'osait probablement pas, pensant que cela aggraverait les choses et peut-être qu'à l'heure actuelle il s'agissait du scénario le plus probable. Alors il faisait comme si de rien n'était. Vu sous un certain angle, cela pouvait paraître agaçant, mais d'un autre côté, l'adolescente n'était pas prête à remettre les choses à la surface et à en parler ouvertement. Tôt ou tard il le faudrait bien, mais elle préférait repousser l'inévitable. Enfin disons plutôt que cette idée ne lui venait même pas à l'esprit de toute façon. Son père s'était heurté à un véritable mur en béton après le décès de sa femme, lorsqu'il avait voulu aborder une sérieuse discussion.

Alors oui, pour toutes ces raisons, elle était heureuse de quitter le domicile parental, et elle l'était encore plus à l'idée de retrouver ses amis. Quelque part, c'était paradoxal, puisque après tout, c'est bien son admission à Poudlard qui était à l'origine de tous ses problèmes. On peut dire qu'elle l'eut regrettée, fut une époque, mais aujourd'hui, il en était autrement. Il était certain qu'il y avait des points qu'elle n'avait pas encore acceptés, qu'elle avait encore du chemin à parcourir pour rétablir son équilibre personnel, mais elle avait progressé. C'était grâce à cette école, ou plutôt grâce aux personnes qu'elle avait pu y rencontrer.
À la réflexion, si on se voulait plus objectif, ce n'était pas ça le vrai problème. Le vrai problème se situait dans l'absurdité humaine. Celle qui fait que les différences ne sont pas toujours bien perçues. Bien qu'il lui restait quelques doutes, elle avait appris à se persuader qu'elle n'avait pas été la fautive dans l'histoire, que ce n'était pas elle le monstre. Un parent n'est-il pas censé être celui toujours de votre côté ? À vous accepter tel que vous êtes ? Surtout qu'en l'occurrence, elle n'avait pas choisi de devenir une sorcière. On lui avait imposé. Et à choisir aujourd'hui, il n'était absolument pas certain qu'elle accepte de renoncer à cette partie d'elle-même et à découvrir la vie qu'elle aurait pu avoir. En même temps, les retours dans le passé de la sorte n'était pas possible, ainsi, elle n'aurait jamais à faire de choix.
Quoi qu'il en soit, au travers de son histoire, elle avait tiré certaines leçons de vie, des bonnes comme des mauvaises.

Les au revoir avec son père furent des plus brefs. Elle refusa toute marque d'affection de sa part, se contentant d'un « à la prochaine ». Il lui affirma qu'il lui écrirait régulièrement, ce dont elle ne doutait pas, malheureusement. Elle ne répondit rien et monta dans le Poudlard Express sans se retourner.

Après son voyage dans le train en compagnie de ses amis les plus proches, durant lequel chacun raconta ses vacances – ce qui fut vite fait pour Lyra – la routine se réinstalla très vite, comme s'il n'y avait eu qu'un jour qui s'était déroulé depuis son départ, malgré l'impression d'éternité des grandes vacances. Il y avait d'abord eu la cérémonie de répartition des premières années, puis le discours de Dumbledore et enfin le fameux banquet ! Ces copieux repas avaient aussi manqué à Lyra ; toutes ces bonnes choses disposées sur la table, tandis que chez elle cela se résumait à même pas un dixième de ce qu'il y avait ici. Quoique le contenu de l'assiette n'était pas ce qu'il y avait de plus dérangeant à son domicile, c'était plutôt celui avec lequel elle devait rester à table.
Une fois repue, elle put rejoindre sa salle commune, où de nombreuses discussions résonnèrent encore entre les murs, jusque très tard dans la nuit.

Le lendemain, c'était la première journée de cours, avec le même discours en chaque début de matière plus ou moins bienveillant selon le professeur. Lyra parvint à s'y replonger assez aisément, elle avait même emprunté un livre de botanique pour réviser durant les grandes vacances et un livre de potions afin d'anticiper ses apprentissages. Elle avait des notes correctes dans cette matière, mais ses résultats étaient en dents de scie, dépendant de la potion en question. Heureusement, le professeur Slughorn était très à l'écoute et toujours prêt à donner un coup de main et des conseils. Elle l'appréciait beaucoup.

Malgré son enthousiasme, elle fut ravie de l'arrivée du week-end. Il fallait en profiter, car les temps de tranquillité se faisaient de plus en plus rares au fil de l'année. Par ailleurs, elle avait déjà ancré en tête le passage du Brevet Universel de Sorcellerie Élémentaire, commun à tous les élèves de 5ème année, premier examen important qui déterminerait la suite de ses apprentissages. Anxieuse de nature, elle craignait de se planter à toutes les matières. Mais ce n'était pas le moment d'imaginer le pire.
Souhaitant profiter d'un des derniers beaux jours de cette année, elle se leva de bonne heure, suffisamment tôt pour qu'aucun de ses amis ne soient déjà réveillés. Après s'être préparée et avoir pris son petit déjeuner dans la grande salle, elle décida d'aller faire un tour aux abords du lac noir avec Nikki. La petite chouette était libre de mener sa petite vie, elle était suffisamment docile pour revenir d'elle-même chaque nuit ou presque, mais Lyra avait remarqué qu'elle ne s'éloignait jamais bien longtemps lorsqu'elle était seule. L'humaine et l'animal étaient beaucoup attachés l'un à l'autre. S'il lui arrivait malheur, la Serdaigle mettrait du temps à s'en remettre. Pour certains sorciers, les chouettes et hiboux n'étaient rien de plus que des messagers, tout comme les elfes de maison n'étaient rien de plus que des serveurs, pour ne pas dire esclaves. Alors qu'avant tout, l'un comme l'autre étaient êtres vivants. C'était d'abord ce que voyait l'adolescente, l'utilité venait bien plus tard. Quand bien même l'adorable petite chouette ne pouvait plus voler, Lyra la garderait. Il y avait bien d'autres moyens de faire parvenir un message de toute façon.

Elle retourna à sa salle commune, là où elle allait récupérer l'oiseau qui avait passé la nuit perchée sur son lit. Silencieuse, elle entra dans le dortoir des filles et remarqua plusieurs lits vides. Bientôt, toute la maison Serdaigle serait réveillée.

« Nikki », murmura-t-elle.

En une fraction de seconde, la chouette s'envola et se posa délicatement sur l'épaule de sa jeune maîtresse. Cette dernière sourit et lui caressa le côté de la tête. La dame blanche ferma les yeux un instant, profitant de cette marque d'affection.
Puis, d'un pas sûr, la demoiselle sortit de sa salle commune et rejoignit la porte du château. Elle prit la direction du lac noir et une fois qu'elle y parvint, elle s'assit au bord de l'eau. Aucune vague n'agitait l'onde. La Serdaigle aimait beaucoup venir ici, c'était un endroit qu'elle jugeait magnifique, abstraction faite des créatures y résidant. Le lieu était souvent calme, il était donc un refuge lorsqu'il y avait trop d'agitation dans le château.

Tournant la tête vers l'oiseau, lui indiquant ainsi de dégourdir ses ailes, elle le vit s'envoler. C'était un spectacle à la fois simple mais beau. Le vent caressant son visage, elle ferma les yeux.
Elle décida qu'après ce bol d'air, elle rejoindrait ses meilleurs amis. Avec le début de la rentrée, les premiers cours et l'agitation propre à chaque début d'année, les conditions de retrouvailles n'avaient pas été optimales.

Les yeux fermés, la Serdaigle profitait de la brise matinale. Elle ne tarda pas à sentir l'effet des rayons de soleil sur sa peau. Elle se sentait à la fois revigorée par la chaleur du soleil et sereine, du fait du silence entourant ce lieu. Un silence relatif tout du moins ; ni cris de jeunes premières années pour leurs premiers jours dans ce château, ni paroles acerbes des verts et argent. Rien d'autre que la nature. De temps à autre un oiseau sifflait, mais cela ne la dérangeait pas. Leur chant était souvent de chouettes mélodies. Quant au bruissement des branchages sous l'effet du vent, il lui apportait aussi sérénité. Cette atmosphère permit à la sorcière de faire le vide dans son esprit, éloignant  toute pensée négative pouvant l'assiéger.
Elle avait eu une bonne idée de venir ici et le ferait probablement très souvent durant le reste de l'année scolaire, comme les années précédentes en fait. Elle en avait presque oublié les bienfaits durant les vacances d'été. À la réflexion, cet endroit était le préféré de la Serdaigle dans l'enceinte de Poudlard. Exception faite de son lit, en hiver, sans doute.

Elle devinait que Nikki profitait également de ce moment, mais à sa manière. Elle s'amusait possiblement à faire des cascades et pirouettes, à profiter elle aussi du vent caressant ses plumes, cherchant la chaleur du soleil. Néanmoins, l'apparition fortuite d'un petit rongeur ne lui échapperait pas, même si elle était un rapace nocturne.

C'était tout le contraire de son humaine, qui, tellement paisible, n'entendit pas que quelqu'un s'approchait d'elle. Il faut dire que la personne en question s'appliquait à la tâche et faisait tout son possible pour rester silencieuse. Lyra ne prit conscience de cette présence qu'à partir du moment où elle sentit des mains se poser sur ses yeux. Étouffant un cri, elle sursauta et empoigna machinalement le bras de son agresseur d'une main ferme, pour le dégager.

« En te voyant aussi près de l'eau, j'ai une folle envie de t'y envoyer... »

Elle reconnut immédiatement cette voix et se détendit en une demi-seconde. C'était celle de Kieran, son meilleur ami. Nul doute que son tressaillement l'avait amusé.

« Raah tu m'as fichu une de … » s'écria-t-elle en se levant d'un bond.

Elle ne continua pas sa phrase ; hors de question d'avouer ouvertement qu'il l'avait effrayée, même s'il l'avait bien compris. Trahie par son regard pétillant et son sourire en coin, elle tourna la tête, faussement boudeuse.

« Essaies, c'est toi qui va finir dedans. Je m'assurerai également que tu aies la visite du calmar géant. » lui lança-t-elle, un sourire narquois se dessinant sur ses lèvres.

Son expression goguenarde se transforma bientôt en un radieux et éclatant sourire. Finalement, elle n'aurait pas besoin d'aller à sa rencontre puisqu'il était venu jusqu'à elle. Et elle en était ravie. En un sens, paradoxalement sans doute, le contexte de la rentrée n'était pas propice aux retrouvailles, tout du moins du point de vue de l'adolescente. L'agitation du retour à Poudlard, l'excitation des nouveaux à l'idée de commencer leurs apprentissages magiques, les récits des vacances de chacun et enfin les cours eux-mêmes bien entendu ne permettaient pas de réellement « se retrouver ». Là encore, c'était uniquement l'opinion de la jeune sorcière, qui avait besoin de se poser avec les personnes essentielles à ses yeux. Nul doute que ces moments de rentrée étaient très importants et conviviaux, normaux même dans un premier temps, mais ils ne procuraient pas ce qu'elle attendait de retrouvailles ; simplement être entourée de ses plus proches amis, sans que toute sa Maison ne se joigne à cette rencontre. La raison n'en était pas si évidente ; peut-être parce qu'elle appréciait le calme – quoique elle pouvait tout autant apprécier la foule selon les moments, ce qu'elle ne démontrait d'ailleurs pas en cet instant précis – ou alors son caractère plutôt possessif, qui lui disait inconsciemment que dans un collectif, elle ne pourrait pas autant profiter de ses amis. Difficile de répondre à cette question, un mélange de tout peut-être.

Ses émotions retombées – causées par la petite blague de Kieran – , elle remarqua enfin sa tenue de sport, lui indiquant qu'il faisait un jogging matinal. Lyra regarda son poignet, comme si elle regardait une montre.

« Tiens donc, tu es matinal ! Je m'attendais à ce que tu profites de ta grasse matinée. Mais bon je suppose que tu as préféré privilégier les derniers rayons de soleil. T'inquiètes, ton bronzage est toujours parfait. » le taquina-t-elle.

Elle avait bien compris l'importance du bronzage de son meilleur ami à force de le voir pendant les grandes vacances. Cela l'avait bien amusé d'ailleurs. Sans entrer dans les stéréotypes, ce genre d'inquiétude relevait plutôt de la gent féminine. Elle ne s'était d'ailleurs pas gênée pour lui faire remarquer et se moquer gentiment de lui.

Bien évidemment, Kieran s'amusa de sa petite blague tel un enfant et n'eut pas à se faire prier pour terminer la phrase que Lyra s'était à moitié retenue de prononcer. Il alla même jusqu'à la provoquer lorsqu'elle le « menaça » de l'envoyer à l'eau afin qu'il puisse s'amuser avec le calmar géant.

« Ne me tentes pas, je ne veux pas avoir à justifier ton absence lundi auprès du professeur McGonagall » riposta-t-elle d'un ton espiègle.

Lyra était très douée pour les sortilèges et la métamorphose. Il faut dire qu'il s'agissait de ses deux matières favorites, même s'il n'y avait pas forcément de lien de corrélation entre l'intérêt porté à un cours et sa réussite. L'attraction pour un enseignement amenait à s'investir davantage dans celui-ci, pour autant s'il était compliqué, le seul travail ne permettait pas de pallier toutes les difficultés, comme cela pouvait être le cas avec l'arithmancie. Cependant, l'adolescente s'en sortait relativement bien dans cette matière également. Elle n'était pas à Serdaigle pour rien après tout. En quatre années passée à Poudlard, elle n'avait pas su répondre à deux énigmes seulement du heurtoir de tête d'aigle régulant l'accès à leur salle commune. Les deux énigmes en question étaient vraiment poussées cela dit et avaient occasionné un petit attroupement de Serdaigle devant l'entrée. Les élèves n'avaient pas eu l'air fin ce jour-là, mais finalement des affinités s'étaient créées et aujourd'hui encore, ils riaient en y repensant.

Tout ceci pour dire que si Kieran pouvait sans trop de difficulté envoyer sa camarade dans le lac par sa seule force physique – attention tout de même, malgré sa taille et sa silhouette elle savait se défendre un minimum –, sur le terrain des sortilèges le pronostic ne serait pas le même ! Mais elle avait encore tout le reste de l'année pour l'y envoyer. Ou presque. En hiver elle ne s'amuserait pas à tenter cette expérience, elle n'était pas une sadique. Quoique s'il la taquinait et qu'elle souhaitait une petite vengeance affectueuse, cela pouvait être le bon plan. Dissimulant son petit sourire taquin, elle écouta la réponse donnée par son meilleur ami quant à son réveil matinal et son bronzage, sa remarque ayant d'ailleurs occasionné un rire franc de sa part.

« Il est vrai que j’aurais préféré être installé sur un transat pour peaufiner mon bronzage, tout en dormant. Malheureusement, il faut que je m’entraîne si je veux pouvoir intégrer une nouvelle fois l’équipe cette année, afin de pouvoir ridiculiser ces fichus serpents… »

Aaah, le Quidditch ! Autant il était difficile de motiver Kieran à bosser certains cours, autant pour le Quidditch, il était toujours partant. C'en était la preuve. Lyra fut d'ailleurs étonnée ; depuis la rentrée, soit il y a trois jours, elle n'avait pas entendu son meilleur ami prononcer ce mot. Il venait de se rattraper.

Le jeune Serdaigle avait pour ambition de devenir un grand joueur. Il était parvenu à intégrer l'équipe depuis sa 3ème année en tant qu'attrapeur et avait réussi à conserver son poste l'année suivante. Il allait à nouveau devoir faire ses preuves pour espérer une place au sein de l'équipe cette année.
Malgré qu'elle n'appréciait pas ce sport, Lyra l'avait toujours encouragé, particulièrement lors des sélections et avant les matchs, qu'ils soient amicaux ou officiels. Elle faisait même l'effort d'assister à certains entraînements, ou du moins d'être physiquement présente, car il lui arrivait parfois d'avoir le nez plongé dans un bouquin ou alors elle discutait avec l'une ou l'autre amie sans vraiment prêter attention au jeu. Mais elle était attentive la plupart du temps.

Les sélections allaient avoir lieu la semaine prochaine. Elles se déroulaient toujours durant la deuxième semaine de rentrée. Il n'était pas envisageable pour Kieran de ne pas faire partie de l'équipe cette année. Lyra ne doutait de toute façon pas de ses capacités. Et elle serait présente ce jour-là, tant physiquement que mentalement, pour l'encourager.

Outre la passion pour ce sport, c'était l'occasion pour lui de se venger des verts et argent. D'ailleurs, Lyra avait remarqué le changement de ton dans sa voix lorsqu'il avait évoqué les Serpentard. Il est vrai qu'il s'agissait de la maison qui vantait le plus ses propres mérites, qui s'attribuait des louanges. Mais surtout, plusieurs élèves de cette maison s'en prenaient verbalement à son meilleur ami, lui rappelant que son paternel l'avait rejeté, allant jusqu'à le traiter de « bâtard ». Et ça, la jeune Serdaigle ne le supportait pas. Elle n'appréciait déjà pas qu'on la traite de « Sang-de-bourbe », ce qu'elle rattachait davantage à la non-acceptation de sa particularité par sa mère jadis qu'à la pureté de son sang, mais qu'on s'en prenne à ses plus proches amis, encore moins. Autant elle ne réagissait pas la plupart du temps lorsqu'elle ne connaissait pas la personne, pour diverses raisons mais certainement pas parce que ça lui passait au-dessus, autant elle essayait comme elle le pouvait de répliquer lorsqu'il s'agissait de ses proches. Et lorsqu'on a pas confiance en soi, c'est un exercice difficile. Pourtant, en usant des mots, elle s'en sortait relativement bien et avait déjà cloué le bec, au sens littéraire comme au sens propre d'ailleurs, à certains de ces vautours. Mais ce n'était que des batailles qui étaient remportées, la guerre semblait éternelle avec eux.

Néanmoins, Lyra n'avait pas pour habitude de mettre tout le monde dans le même sac. Alors oui, elle se méfiait de tout le monde ou presque aux premiers abords, encore plus particulièrement des Sang-pur et des Serpentard c'est vrai, mais elle savait que parmi eux, il y avait de bonnes personnes, des individus de confiance. Elle avait même quelques amis, ou « potes », dans cette maison. Il serait d'ailleurs plus que réducteur de se faire une opinion d'une personne sur son unique affectation au sein de Poudlard.
En soi, en quoi la malice ou la détermination font d'un individu quelqu'un de mauvais ? Une personne peut être encline à faire des farces, à toujours aller au bout de ses idées, vouloir atteindre ses rêves ; cela ne signifie pas que ses desseins soient maléfiques.
Tout comme le courage et la hardiesse ne font pas d'un sorcier une bonne personne. Ne faut-il pas d'ailleurs un certain courage pour tuer un semblable, acte abominable ? De la folie dans certains cas, ça c'est certain, mais pour un individu dénué d'une quelconque psychose, tuer demande du courage.
Quant à l'intelligence et à la curiosité caractéristiques des Serdaigle, si elles prennent le dessus sur la sagesse pour la répartition d'une personne, ces qualités ne peuvent-elles pas être mises en œuvre pour répondre à de funestes projets ? La connaissance et l'intellect peuvent par exemple permettre d'élaborer des stratégies pour nuire à autrui.
À travers ces exemples, on se rend compte de la dualité de ces qualités et on en déduit que ce qui compte, c'est ce qu'on en fait. Il n'y a que la Maison des jaunes et noirs, réputée pour sa tolérance, son sens moral et de la justice et sa loyauté – bien que cette caractéristique puisse être discutée aussi –, qui ne semble pas laisser de place au doute et qui tranche clairement les choses. Mais pour effacer complètement les limites et ébranler les convictions, j'ajouterais que notre personne ne se définit pas seule. Elle évolue au fil du temps, au fil des événements rencontrés sur notre route, mais aussi selon les personnes qui se greffent à notre parcours. Sur ce point, un Poufsouffle n'est pas à l'abri d'une mauvaise rencontre, d'une influence néfaste dont il ne se rendrait compte que plus tard, lorsqu'il serait trop tard et que son esprit aurait lui-même basculé dans les ténèbres.
Ainsi, la Maison d'appartenance à Poudlard, son autre famille, ne pouvait indiquer que l'un des aspects d'une personne.

Le schéma était similaire avec les Sang-pur. Son meilleur ami en étant un, Lyra avait pu déconstruire ses représentations au fur et à mesure des années. Tous les Sang-pur ne sont pas des êtres diaboliques proclamant leur supériorité. Tous les Serpentard ne sont pas des crevards. Elle en était consciente, mais il lui restait malgré tout des appréhensions. En même temps, il est dans la nature humaine de remarquer davantage les aspects négatifs que positifs. Il est même probable que nous retenions davantage ce qui nous a fait mal plutôt que l'inverse. Par conséquent, une grande partie des élèves de Poudlard n'avaient en tête que le schéma des mauvais « Serpentard », ces derniers créant bien plus de bruit que leurs autres camarades, plus sages, ou disons moins turbulents. Dès lors, il était normal que Kieran ne puisse pas les supporter dans leur grande majorité et que Lyra s'en méfie davantage que des élèves des autres Maisons.

« Ça va, tu ne stresses pas trop pour les sélections ? » demanda-t-elle doucement.

Marquant une courte pause et avant que son camarade ne réponde, elle reprit d'un ton sarcastique :

« Puis de toute façon tu sais que tu peux compter sur moi si tu as quelques concurrents « dangereux ». Un petit Confundo ou Impedimenta prononcé sur le terrain, un Incarcerem ou un Locomotor Mortis dans les escaliers et le tour est joué. »

Affichant un air innocent et angélique, elle se ressaisit rapidement, préférant redevenir sérieuse et mettre en avant les compétences de son meilleur ami.

« Mais en réalité, je sais très bien que tu n'as pas besoin de ça. »

Elle lui adressa un clin d'œil et sourit gentiment. Elle n'avait pas dit un mot quant à sa remarque concernant les Serpentard, se doutant bien que son meilleur ami n'avait pas spécialement envie d'en parler, et encore moins de penser à son père. Elle avait d'ailleurs observé son mouvement de tête destiné à chasser ses mauvaises pensées. Il avait immédiatement enchaîné en reportant son attention sur l'adolescente, s'inquiétant de son réveil matinal.

« Oui ne t'en fais pas, je souhaitais moi aussi profiter encore un peu du soleil... Mais pas forcément pour bronzer hein. Le teint pâle et cadavérique me convient très bien. » lâcha-t-elle spontanément, avant d'éclater de rire.

« Ne te gêne surtout pas Lyly, ça ne me dérange pas… »

Mais c'est qu'il la provoquait en plus ! Elle était finalement de plus en plus tentée de l'envoyer dans l'eau. Peut-être que cela arriverait aujourd'hui, elle attendait juste le bon moment, aussi maligne qu'elle pouvait être. Elle décida de ne pas lui répondre, se contentant de le fixer droit dans les yeux tout en lui souriant d'un air narquois.

Lorsque arriva le sujet des sélections de Quidditch, l'amusement enfantin perceptible sur le visage de Kieran s'effaça, laissant place à une grimace témoignant de son stress.

« Je stresse un petit peu, mais ça ira, j’ai juste peur de ne pas être pris étant donné que je n’ai pas trop bien réussi la saison dernière. » confirma-t-il.

Au moins, il ne partait pas complètement défaitiste. Il n'y avait pas de raison d'ailleurs selon Lyra, les derniers matchs des Serdaigle n'avaient pas été si catastrophiques. L'équipe des bleus et bronze n'avait pas gagné à deux reprises pour des matchs officiels certes, mais des points avaient tout de même été marqués et le vif d'or ne s'était pas tenu si loin de la main de l'attrapeur. Il est vrai que l'adolescente n'était pas une référence pour ce sport cela dit, mais Kieran se débrouillait relativement bien. Elle se demanda si le fait d'être face aux serpents le déstabilisait au point qu'il puisse perdre certains de ses moyens sur le terrain. Si oui, le seul entraînement physique ne pouvait pas y remédier. Toutefois, elle n'allait pas aborder cette question, pas maintenant alors qu'elle avait bien saisi qu'il ne voulait absolument pas parler de ses ennemis aujourd'hui. Elle retint tout de même d'en discuter un jour, peut-être à l'entraînement ou à l'issue d'un match amical entre leur Maison et celle des verts et argent si elle sentait que son hypothèse était une explication possible à son manque de performance durant le match.

« C’est très gentil de ta part Lyly, mais je me passerai de ton aide sur ce coup-là. Je dois réussir à être à 100 % sur chacun de mes matchs… » poursuivit-il.

Se laissant un temps de réflexion pour répondre, la jeune Serdaigle laissa passer une minute silencieuse, son regard se tournant un instant dans la direction où se trouvait sa chouette.

« Tu occupes le poste qui peut déterminer la victoire, c'est sûr que ce n'est pas facile. Mais le Quidditch se joue en équipe, alors quand bien même un joueur peut vraiment mal se débrouiller, et je parle d'une généralité, pas de toi, la cohésion du groupe me semble plus importante encore. Si par exemple les batteurs ne sont pas suffisamment habiles ou concentrés et n'interceptent pas correctement les cognards, cela peut gêner les autres joueurs. Si les poursuiveurs ne marquent pas de but, le stress peut monter et se propager à l'ensemble de l'équipe et réduire les compétences de chacun. Alors si la dernière saison n'était pas une réussite, ce n'est pas entièrement de ton fait. Tout du moins, c'est ma vision des choses. Après c'est sûr qu'il peut y avoir d'autres raisons à l'échec, tel le manque d'entraînement, mais ce n'est clairement pas ton cas. »

Bien qu'elle n'aimait pas ce sport, Lyra connaissait tout de même un minimum de règles et les rôles des joueurs dans l'équipe. S'il s'agissait d'un sport d'équipe au lieu d'un sport individuel où il ne suffisait que d'attraper le vif d'or, ce n'était pas pour rien.
Elle n'ajouta rien d'autre quant aux autres causes possibles qu'elle pouvait avoir en tête qui pouvait déstabiliser son meilleur ami, comme dit ce n'était pas le moment d'émettre des hypothèses concernant la rivalité avec les Serpentard.

« Tu n'aurais pas eu besoin de mon aide de toute façon. » lui dit-elle avec un sourire. « Tu as encore un peu le temps de t'entraîner, et tu vas cartonner ! Je serai là pour t'encourager. »

Elle lui adressa un clin d'œil amical. Le sorcier se mit en mouvement et dépassa sa meilleure amie pour atteindre le ponton du lac, sur lequel il s'assit en tailleur. Un discret sourire étira les lèvres de Lyra. Voilà qui était parfait pour la suite... Riant à la réplique de la sorcière concernant son teint pâle, Kieran lui posa une question qui l'a surprise.

« Je vois ça… Et sinon, qu’est-ce que tu as prévu pour tes prochaines vacances ? »

D'abord étonnée, la Serdaigle lâcha un rire bref avant de lui répondre.

« On a repris les cours depuis trois jours et tu penses déjà aux prochaines vacances ?! Je sens que je vais avoir du mal à te faire bosser tes cours ! »

Elle rit franchement pendant quelques secondes, avant de retrouver son calme et son sérieux, en réfléchissant davantage à la réponse qu'elle allait donner, sachant que ce sujet était épineux.

« Je ne sais pas... Je ne suis pas sûre de rentrer chez moi. Je n'ai pas envie de revoir mon père pour l'instant, les mois d'été m'ont suffit. »

Elle ne rentrait que très rarement durant l'année scolaire et ce depuis le début de sa scolarité à Poudlard, même si à la base la réaction de sa mère en était la cause première. Aujourd'hui, elle n'était plus là et son père tentait de recoller les morceaux. Mais n'était-il pas trop tard ? N'y avait-il pas des fissures trop petites pour pouvoir être rassemblées, des pièces qui s'étaient envolées ? La réponse ne pouvait être donnée, pour l'heure. Quoi qu'il en soit, Lyra n'arrivait pas à pardonner et cherchait à l'éviter le plus possible. Qu'ils discutent sérieusement, elle ne le voulait pas. Qu'ils fassent comme si de rien n'était, elle avait du mal. La situation était tout simplement bloquée.
Cela dit, elle aurait encore moins envie de rentrer à Noël, l'une des fêtes de famille les plus importantes. Là encore, dans tous les cas, qu'elle rentre ou non, elle se rappellerait de sa différence d'avec les autres familles, les familles « normales », qu'il s'agisse des sorcières ou des moldues.

« Si je reste, j'en profiterai pour commencer à réviser pour les BUSE et je ferai un tour à Pré-au-Lard. Je trouverai un programme au jour le jour. Et toi ? »

Elle aimait beaucoup les visites à Pré-au-Lard, particulièrement lorsque les sorties étaient complètement libres et non organisées par l'école. Les week-ends et les vacances étaient les moments parfaits pour ça. Entre la confiserie Honeydukes, le pub des Trois Balais ou encore la boutique de prêt-à-porter Gaichiffon, il y avait de quoi faire ! Au-delà des différentes boutiques, l'ambiance joviale qui y régnait était très appréciée de Lyra, particulièrement lors des moments où elle se sentait seule.

Elle n'avait pas évoqué de programme répondant à la condition « si je rentre ... ». Il était évident que si c'était le cas, elle s'arrangerait pour voir son meilleur ami et ses autres proches. Ce serait d'ailleurs l'unique raison qui la pousserait à rentrer, sachant qu'à Noël il était souvent plus compliqué pour elle de voir des amis avec les fêtes de famille, même si Kieran parvenait la plupart du temps à trouver un jour pour la voir.

HS : J'espère que ma réponse te va. Je me suis permise de dire qu'ils parvenaient la plupart du temps à se voir durant les vacances de Noël, mais si tu veux que je change, pas de souci, n'hésites pas à me le dire .