L'ombre de ton ombre (James)

Lily était heureuse de retrouver Poudlard et son décor unique. Si elle avait passé un été plutôt agréable (exception faite des crises de jalousie de Pétunia), elle avait tout de même eu hâte de pouvoir retourner dans l'école de magie.

Elle faisait partie de cette catégorie de personnes qui ne s'impatientait pas seulement de retrouver ses camarades de classe, mais également d'étudier. Elle était curieuse d'apprendre, elle avait envie d'emmagasiner le plus de connaissances possibles, de développer de nouvelles compétences, d'apprendre de nouveux sortilèges, de concocter de nouvelles potions. Voilà.

Lily venait d'achever sa première journée de cours. Les professeurs ne s'étaient pas fait prier pour rapidement donner à leurs élèves une masse conséquente de devoirs, autant dire que ça donnait le ton. Mais ce n'était pas du tout pour déranger Lily. Elle avait d'ailleurs l'intention de se focaliser sur les chapitres d'Affronter l'ennemi sans visage que le professeur de défense contre les forces du mal leur avait demandé de lire pour le cours suivant.

Elle aurait pu se rendre directement dans sa salle commune, mais elle n'avait pas envie de s'y enfermer directement, surtout qu'à cette heure de la journée, l'agitation ambiante, exacerbée par le climat d'excitation de ce début d'année, n'était pas forcément favorable à la concentration.

Alors elle avait décidé de s'installer dans le parc et de profiter de ce que le mois de septembre accordait encore de chaleur. Nul doute que ça ne durerait plus bien longtemps et que la fameuse pluie britannique qui avait pour l'instant délaissé le ciel écossais reprendrait ses droits.

Elle avait jeté son dévolu sur une place en bordure du lac. Elle s'assit, adossée à un arbre, et sortit de son sac son livre et de quoi prendre des notes, et entama sa lecture.

Concentrée, focalisée, elle ne constata une autre présence que lorsqu'elle fut tout à côté. Elle leva les yeux, et son regard tomba sur James Potter. Ben tiens... Lily voudrait prétendre être surprise, mais depuis le temps que le jeune homme la poursuivait de ses assiduités, c'était quand il n'était pas dans son sillage qu'elle devait se poser des questions.

Les yeux de Lily retombèrent sur son livre ouvert afin de ne pas adresser à James plus d'attention qu'il ne le méritait. Malgré tout, elle daigna lui adresser la parole.

"J'ai déjà une ombre, Potter. Je n'ai vraiment pas besoin d'en avoir une deuxième."

« Bonjour Lily, je vais bien merci de demander. Et toi ? »

C'est vrai, Lily aurait pu commencer par là. Elle aurait pu, mais voilà longtemps que cette sorte de mécanique s'était instaurée entre eux et qu'elle n'estimait plus nécessaire d'en passer par de telles formules de politesse. 

Ce n'est pas qu'elle se sentait incapable d'échanger des conversations cordiales avec James, ça avait déjà été le cas, et elle s'était même certaines fois surprise à vraiment apprécier parler avec lui. Les quelques fois où ils avaient discuté seul à seul sans sa bande d'amis autour, elle avait bien dû admettre qu'il était plus... intéressant qu'il ne le laissait supposer quand il se donnait ces airs arrogants qui l'insupportaient.

Mais le naturel revenait vite au grand galop malgré tout, alors Lily restait malgré tout sur la réserve, elle considérait que c'était préférable. Alors elle ne répondit pas à sa question. Elle ne pensait pas qu'il attendait la moindre réponse dans tous les cas.

« Crois-le ou non, ça m’a manqué de ne pas te voir pendant deux mois. Tu me vois peut-être comme une ombre, mais moi je te vois comme… un vrai rayon de soleil. »

Oh, elle le croyait... Enfin... Pas totalement non plus. S'il lui courait après à ce point, elle aimait à penser qu'il y avait un fond d'intérêt sincère là-derrière, sans quoi il ne se montrerait pas si... insistant, mais elle se disait tout de même bien souvent que ce ne devait être qu'un jeu pour lui.

Un jeu dans lequel elle rentrait dans des moments comme celui-là... Elle savait que ce serait tout aussi simple d'ignorer James plutôt que de lui répondre. Mais il faut croire qu'elle n'était qu'en partie incommodée par ce genre de situation.

"Je suis sûre que tu n'as pas eu une seconde pour penser à moi cet été, Potter", répondit Lily d'un ton feignant la différence en tournant la page de son bouquin comme si elle était vraiment encore en train de le lire. "Je suis sûre que Black et toi étiez autrement plus occupés à vous trouver quelqu'un à martyriser."

Elle savait, comme à peu près tout le monde, que Sirius avait fugué et trouvé refuge chez les Potter... c'était au fond davantage un façon de poursuivre la conversation sans en donner l'air que de l'interrompre.

« Tu n’as pas reçu mes lettres ? On ne martyrise personne, et on n’a martyrisé personne. »

Lily fronça les sourcils, étonnée. Ses lettres ? Comment ça, ses lettres ? Pour le coup, les mots qu'il ajouta lui passèrent totalement au-dessus de la tête. De toute manière, elle ne le croirait pas sur parole. En revanche... pourquoi inventerait-il le fait de lui avoir écrit durant l'été ?

Elle ne savait pas s'il la menait en bateau, cherchait juste à la destabiliser ou s'il était sérieux, mais en tout cas, il avait vraiment l'air sincère, et pour le coup, elle serait de mauvaise foi en suggérant d'office qu'il mentait.

Sauf que elle, de son côté, n'avait absolument rien reçu. Ces lettres ne s'étaient tout de même pas évaporées dans la nature, si ? Certes, les Evans avaient passé une bonne partie de leurs vacances à l'étranger, et donc, ils n'étaient pas chez eux pour recevoir le moindre courrier, mais elle aurait trouvé les lettres en question à son retour, non.

"Tes lettres ?" demanda-t-elle d'un ton sceptique, tentative pour elle de dissimuler le trouble que provoquait en elle cette information.

Elle n'avait rien reçu, ça, elle en était sûre. Si elle avait reçu ne serait-ce qu'un seul courrier de la part de James Potter, elle s'en serait souvenue. A moins que...

Il y avait une possibilité. Une explication qu'elle n'avait aucune envie d'admettre pour vraie, mais... Et si Pétunia avait intercepté ces lettres ? Elle aimerait dire que ce n'était pas son genre mais, objectivement...

"Pourquoi est-ce que tu m'écrirais ?"

Sa question suggérait plus de curiosité que de sidération ou de mépris, en réalité. Bien sûr, elle n'était pas aveugle, et il faudrait l'être pour ne pas voir que le jeune homme lui tournait autour et espérait qu'ils finissent un jour ensemble (et elle pouvait au moins reconnaître que James avait de la patience et de la ténacité, étant donné la quantité de refus qu'il avait essuyés). Mais de là à lui écrire non pas une fois mais plusieurs durant l'été... même alors que, de toute évidence, elle ne lui avait jamais répondu.

Elle devrait s'en moquer, voire trouver cela beaucoup trop excessif, mais c'était définitivement la curiosité qui primait. Ces lettres qu'elle n'avait jamais reçues, elle avait envie de savoir, maintenant, ce qu'elles contenaient. Même si elle aussi avait de la fierté à revendre et ne poserait jamais la question directement.

« Pour avoir de tes nouvelles, même si tu n’as répondu à aucune de mes lettres, pour te donner des miennes. »

En bref, les raisons classiques qui engendraient n'importe quelle correspondance... mais Lily restait... surprise. Qu'il lui ait écrit une fois, pourquoi pas. Mais plusieurs ? Alors qu'elle n'avait pas répondu une seule fois.

Elle savait qu'elle lui plaisait, oui, mais elle avait fini par penser que ce n'était tout de même qu'une sorte de jeu. Comment pourrait-il, après tout, s'attacher autant à elle alors qu'elle n'arrêtait pas de l'envoyer sur les roses à la moindre tentative ? On lui rétorquera qu'il était flagrant que James Potter était amoureux d'elle, mais jamais Lily n'avait pris cette acception au sérieux... mais maintenant, elle se posait plus de questions.

Et le pire, c'est qu'elle commençait même à culpabiliser. Elle avait le sentiment de l'avoir blessé. Elle avait tendance à penser que James n'était pas du genre à se laisser atteindre par ses remarques, et par conséquent, elle ne l'avait jamais ménagé... mais elle n'était pas cruelle. Si cette situation lui avait fait du mal, vraiment du mal... Elle n'allait pas s'en réjouir, ce n'était pas son intention. Elle n'avait eu aucune intention, d'ailleurs. Elle n'avait vraiment, vraiment pas su qu'il lui avait écrit.

« Parce que tu me manquais… »

Là encore, elle ne pensait pas avoir pu si sincèrement lui manquer. Pourtant, en y réfléchissant bien, James aussi lui avait manqué, cet été. Elle n'avait certes pas passé ses vacances à se morfondre, à attendre après lui ou à rêver de lui... Mais sa présence était une part intégrante de son quotidien, alors forcément, quand il n'était pas là, il manquait quelque chose.

« Je t’avais même écrit un poème. »

Bon, là c'était autre chose. Si vraiment James Potter lui avait écrit un poème - et de toute évidence c'était le cas, il fallait absolument qu'elle le lise. Elle se demandait ce que valait la plume de James quand il se laissait aller à l'une ou l'autre envolée lyrique... Elle devrait fouiller la chambre de Pétunia de fond en comble au cours de ses prochaines vacances, juste pour s'en assurer.

« Tu n’as rien reçu ou tu les as toutes jetées sans les lire ? »

"Je te promets que je n'ai rien reçu", répondit Lily avec moins de froideur que précédemment. 

Elle se faisait complètement avoir, peut-être, mais les propos de James réussissaient à la toucher, et elle estimait plus juste de baisser sa garde.

"Mais... je suis là maintenant, alors. Tu peux me parler de tes vacances, si tu veux." Elle marqua une pause. "J'espère que tu as gardé une copie de ce poème, il faut absolument que je lise ça", ajouta-t-elle avec un sourire.

« Je te crois. J’essaierai de te trouver une copie dans ce cas. »

Elle y comptait bien, oui. James Potter qui faisait de la poésie, que ce soit à son attention ou sur n'importe quel autre sujet, c'était définitivement quelque chose qu'il fallait qu'elle lise. C'était trop improbable à ses yeux pour ne pas mériter toute son attention.

Cela dit, pour cette fois, James n'avait plus rien besoin de faire de particulier pour obtenir l'attention de Lily, il l'avait, et il avait tout intérêt à en profiter, car nul ne saurait exactement dire combien de temps cela allait durer. Lily n'était pas aussi hermétique qu'elle voulait bien le prétendre aux attentions de James, mais elle était exigeante, aussi, et au moindre élément de travers, il se pourrait bien que les quelques pas que le rouge et or avait réussi à faire vers elle se soldent par dix pas supplémentaires du côté de la rouquine.

« Mes vacances étaient probablement les meilleures que j’ai passées jusqu’à maintenant. C’était vraiment bien d’avoir Sirius à la maison, au moins, j’étais certain que sa tarée de famille ne le tourmentait pas trop. Ça n’a pas dû être une décision facile de tout quitter, de se faire renier, mais au moins, il est en sécurité et il ne manque de rien à la maison. J’espère que la prochaine fois, il y aura Remus et Peter aussi. Je sais que ma mère était déjà aux anges d’avoir un deuxième fils, alors deux autres encore… »

L'enthousiasme de James était manifeste, et il était assez difficile de ne pas vouloir se réjouir pour lui. Il y avait chez lui plusieurs facettes, ça elle l'avait déjà remarqué. Il y avait cette facette malheureusement très visible, arrogante (même si ce n'était peut-être qu'une arrogance de façade), moqueuse et nonchalante qu'elle trouvait insupportable. Et il y avait l'autre facette : celle du garçon intelligent, loyal, vraiment proche de ses amis... et ce James-là était... Hum... agréable, on va dire ? Oui bon, d'accord, elle l'aimait beaucoup, cette facette, mais c'est pas pour autant que... bref...

Voilà, quoi.

« Et puis tu sais… si jamais toi aussi tu veux venir un jour… tu es la bienvenue. »

"Hum..." Lily baissa malgré elle le regard vers l'herbe qui, tout à coup, lui semblait particulièrement passionnante. "On verra."

Ce n'était pas un oui, certes, mais pas un non no plus, ce qui de sa part était particulièrement notable. Elle leva les yeux en prenant grand soin de changer dans le sujet pour ne pas verser dans un embarras qui rendrait son visage aussi rouge que sa chevelure.

"Je trouve ça... admirable, ce que tes parents ont fait pour Sirius. Il a de la chance de t'avoir."

Sirius s'en prenait autant que James dans la tronche quand Lily le décidait, et elle avait plus d'un reproche à lui faire, mais certainement pas celui d'avoir réchappé à un cadre familial toxique pour vivre en fonction de ses propres convictions et non conformément aux "valeurs" édictées par les Black. Si on peut appeler ça des valeurs. Alors sur ce point, oui... même Black (ce Black là du moins) réussissait à avoir son respect.

« C’est plutôt moi qui aie de la chance de les avoir pour parents. Ils sont vraiment géniaux. Ils ont toujours voulu avoir une grande famille, avec de nombreux enfants, mais… ils ont eu du mal à concevoir. Et je suis arrivé quand ils avaient perdu tout espoir, alors je suppose que recueillir Sirius c’était en quelque sorte avoir un second enfant. De toute façon, il est adopté maintenant, faudra qu’il s’y fasse. »

Quand James abandonnait ses grands airs insupportables et ne cherchait pas à se faire remarquer, Lily lui trouvait bien plus de charme et d'intérêt, c'est un fait. Ici et maintenant, alors qu'il n'y avait que elle et lui et qu'ils pouvaient discuter tranquillement, sans public pour scruter James, eh bien, elle appréciait vraiment de passer du temps en sa compagnie. 

Elle le découvrait moins superficiel et plus humain. Ce n'était pas nouveau non plus, elle avait déjà pu constater cette facette de sa personnalité, mais elle était trop rapidement occultée par tout ce qui avait tendance à l'agacer chez lui, au point qu'elle avait bien des difficultés à passer outre.

En tout cas oui, la rouquine prenait plaisir à entendre James parler de ses parents, de sa vie de famille, et même d'accepter de lui apprendre des informations plus personnelles, comme le fait que ses parents pensaient ne pas réussir à avoir d'enfants avant que finalement leur fils vienne au monde. Elle devait bien admettre qu'elle était assez curieuse de faire la connaissance des Potter. Même si ce serait plutôt... étrange et embarrassant, tout compte fait.

"Je ne pense pas qu'il y trouve vraiment d'inconvénients", répondit Lily quand James affirma que maintenant, Sirius était adopté, et qu'il allait devoir s'y faire. 

C'est qu'à bien y regarder, Sirius s'était sûrement trouvé une nouvelle famille dès l'instant où James et lui étaient devenus amis. Ils étaient des frères l'un pour l'autre, ça se voyait. Et Lily leur enviait souvent, d'ailleurs, la complicité qu'elle-même était bien incapable d'avoir avec sa propre soeur, alors qu'elle le voudrait sincèrement. Mais quelque chose s'était brisé entre elles le jour où elle avait reçu sa lettre pour Poudlard, et il ne semblait pas possible de revenir en arrière.

"Tu sais, tes lettres..." Elle ne savait même pas pourquoi elle revenait là-dessus, sûrement simplement parce qu'entendre James parler de sa famille lui faisait penser à la sienne. "Je pense que c'est Pétunia - ma soeur - qui les a récupérées avant que je puisse les voir."

« Ta sœur ? Pourquoi elle aurait fait ça ? »

Lily comprenait la surprise de James. Si la jeune femme lui avait déjà parlé de sa soeur, puisqu'elle ne faisait pas un secret du fait d'en avoir une, qui elle était née moldue, elle ne s'était jamais vraiment épanchée sur la question. Elle ne voyait pas forcément d'intérêt à disserter sur la question, dans tous les cas. 

Mais puisque le sujet était lancée, et puisque les deux rouge et or semblaient capables de s'engager dans une conversation sincère, où il n'était pas question de fanfarronner pour James, et de l'envoyer sur les roses pour Lily, c'était une chose qu'elle ne voyait pas d'inconvénient à partager avec lui. 

Lily haussa doucement les épaules. Pourquoi elle aurait fait ça ? Elle n'avait pas de réponse complètement précise à cette question, mais elle savait que Pétunia en était capable, largement capable.

"Elle me déteste...", répondit Lily qui s'étonnait elle-même du naturel avec lequel elle avait formulé ce constat.

Malheureusement, c'était vrai, c'était ce qu'elle pensait. Elle voudrait que ce ne soit pas vrai, mais elle ne trouvait pas d'autres explications au comportement de sa soeur. Elles se voyaient très peu, maintenant, elles n'avaient que les vacances pour passer du temps ensemble, mais Pétunia passait ces mêmes vacances à l'éviter ou à la traiter comme si elle était un monstre répugnant. 

Incapable de vraiment comprendre que c'était avant tout la jalousie qui poussait sa soeur à se montrer cruelle envers elle. Lily avait simplement l'impression que sa soeur la détestait, qu'elle ne la reconnaissait plus et la trouvait... abominable. Se venger sur elle en subtilisant son courrier, ce n'était pas grand-chose, et c'était bas, mais c'était totalement dans ses cordes.

"C'est comme ça depuis qu'on a découvert que j'étais une sorcière", ajouta-t-elle dans un fin soupir. "J'envie ce que vous avez, toi et Sirius, ça me manque..."

Bien sûr, elle-même avait ses propres amis, mais ce n'était pas pareil, c'était sans rapport avec la complicité que Lily et Pétunia avaient à l'époque, il y a trop longtemps. Elle avait ressenti un sentiment proche de la même complicité avec Severus, mais il l'avait terriblement déçue. Et il y avait Mary, aussi, mais Mary n'était jamais totalement transparente avec elle.

« Elle doit être jalouse de toi. Parce que tu es une sorcière, mais pas elle. »

Lily fut tentée de rejeter cette hypothèse en bloc mais elle se retint. Pétunia, jalouse ? Cette idée lui semblait absurde... Elle affichait tant de mépris à l'égard de la magie et de tout ce qu'elle incarnait que Lily ne songeait pas un seul instant que sa soeur puisse véritablement éprouver une telle chose. Elle s'était seulement dit que Pétunia ne la reconnaissait plus et était incapable d'accepter ses pouvoirs, la magie, ou tout ce qui avait trait à la sorcellerie.

Mais... jalouse ? Est-ce que ça pouvait vraiment être possible ? Au fond, ça n'avait rien d'improbable... Lily n'avait jamais cherché à se mettre à la place de sa soeur, à imaginer ce que ça faisait de voir sa soeur vivre une vie comme ce qu'était devenu la sienne quand elle-même n'aurait jamais aucun accès à la magie... Mais si leurs rôles avaient été inversés, est-ce qu'elle aussi n'aurait pas été jalouse ? Est-ce qu'elle n'aurait pas injustement voulu à Pétunia d'être qui elle était, au point de lui adresser une rancoeur irrationnelle ? James mettait peut-être le doigt sur quelque chose.

Est-ce que cela résoudrait leurs conflits pour autant, elle en doutait un peu malheureusement... car comment faire taire cette jalousie ? Lily ne pouvait pas prêter ses pouvoirs à sa soeur, même un petit temps.

« J’ai déjà vu tes parents de loin, et ils avaient l’air vraiment très fiers de toi.  »

Concernant ses parents, elle n'avait aucun doute en effet, ils avaient toujours été fiers d'elle, le lui avaient toujours montré sans retenue. Découvrir qu'elle était une sorcière avait été un choc et un ébahissement pour eux. Ils n'avaient de cesse que de l'interroger concernant le monde des sorciers, toujours curieux, toujours émerveillés...

... Bon sang, ce qu'elle était idiote ! Bien sûr, que Petunia était jalouse ! Lily avait tiré la couverture à elle sans même s'en rendre compte... Ce devait être dur, aussi, d'entendre ses parents afficher tant de fierté pour une chose qu'elle n'avait pas décidé, quand Pétunia non plus ne décidait rien de ce qu'elle endurait.

« Je dis ça, parce que je sais que Regulus me déteste parce qu’il est jaloux, il pense que je lui ai volé son frère. Alors c’est peut-être pareil pour ta sœur. »

S'il fallait inventer un radar à jalousie, Lily serait la première acheteuse, car concernant Regulus Black, elle n'avait jamais poussé si loin l'analyse pourtant évidente... En même temps, concernant ce dernier, il était assez difficile de vouloir lui prêter des sentiments complexes et / ou humains, il était plus simple de le détester cordialement par principe pour le nombre de fois où il lui avait laissé comprendre qu'elle était une erreur de la nature et que les "sangs de bourbe" comme elle ne méritaient pas d'exister.

« Même si… je ne sais pas comment elle fait pour te détester, très honnêtement. Tu es bien la personne la moins détestable que je connaisse. »

Lily baissa les yeux, esquissa un léger sourire.

"Et toi, tu es la personne la plus objective que je connaisse", répondit Lily. Elle savait que son avis était biaisé. Il aurait de bonnes raisons de la détester, d'ailleurs, vu le nombre de fois où elle l'envoyait balader de son côté. Mais elle aimait le fait que ce ne soit pas le cas. Au fond, elle s'en voudrait s'il cessait... d'insister. "Je pense que tu as raison, pour Pétunia. Ce serait plus simple s'il y avait un remède à la jalousie. Si je pouvais échanger ma place avec celle de ma soeur pour qu'elle se sente mieux, je le ferais sans hésiter. Même si Poudlard me manquerait."

« Heureusement que ce n’est pas possible. Je serais totalement perdu, si tu n’étais plus là. »

Les joues de Lily rosirent légèrement, et elle s’en voulut de ne pas être capable de le contrôler. C’était le problème, avec James (si on peut appeler ça un problème), quand il décidait d’être adorable avec elle, il savait qu’il l’était totalement, et elle n’y était pas insensible. Mais en parallèle, quand il décidait d’être un sombre abruti avec les autres, il ne faisait pas forcément semblant non plus.

Et elle ne savait pas totalement sur quel pied danser. A force d’insistance, elle pouvait tout de même difficilement croire qu’il ne soit pas sincère envers elle, mais en même temps, eh bien… elle avait peur de se laisser mener en bateau, qu’il finisse par lui faire du mal et qu’elle se soit laissé avoir comme une idiote.

Est-ce qu’elle devait le croire quand il affirmait qu’il serait perdu si elle n’était plus là ? Pour elle, ce serait prétentieux de se l’imaginer. Elle lui manquerait peut-être, qui sait, mais elle ne pouvait pas non plus lui être si indispensable, il fallait savoir relativiser. Comme toujours, partagée, elle ne savait pas trop si elle devait se laisser attendrir ou au contraire être plus que jamais sur ses gardes.

« Même si tu passes la moitié de l’année à me dire que je suis un crétin arrogant, j’adore passer du temps avec toi. »

Ce qui était relativement incompréhensible, en effet, parce que, clairement, elle ne le ménageait vraiment pas. Mais en même temps, pour toutes les fois où elle l’avait traité de crétin arrogant, elle estimait qu’il l’avait toujours mérité, d’une façon ou d’une autre.

Difficile de savoir comment elle pouvait lui plaire vraiment quand elle l’envoyait balader si constamment. Mais en même temps… pourquoi elle-même réussissait à… l’apprécier alors qu’elle devrait simplement considérer qu’il lui sortait par les trous de nez. Quand passer du temps avec lui signifiait avoir une conversation simple et posée comme c’était le cas maintenant, eh bien oui, elle aimait passer du temps auprès de lui.

« D’ailleurs, je… Je me disais, la prochaine fois qu’on va à Pré-au-Lard, est-ce que ça te dirait qu’on aille boire une bièraubeurre tous les deux ? »

Ah… Bon. Le message était clair. En même temps, il l’était depuis longtemps. C’était un rendez-vous galant, qu’il lui proposait. Et elle, elle réalisait qu’elle hésitait. A mille lieues de lui, elle aurait très clairement répondu non d’entrée de jeu, et sans réfléchir. Mais il avait réussi à la tempérer. Jusqu’à la prochaine fois, sans doute, où elle réalisait quel crétin arrogant il pouvait être justement.

Elle le toisa un moment finalement. Avant de prendre sa décision.

"Bon, c’est d’accord", concéda-t-elle, se surprenant elle-même au passage. "Mais…" Ben oui, il y avait un mais, forcément. "Seulement si tu te tiens à carreaux jusque-là."