Quand la blessure guérit, la cicatrice demeure ☾ Mary O'Neill

Cela faisait maintenant plusieurs années que Mary passait une partie de son temps libre à l'infirmerie pour aider l'infirmière de l'école à s'occuper de ses camarades. Elle avait pris à cœur son héritage de guérisseuse au point d'avoir envie de le vivre au quotidien autant qu'elle le pouvait. Bien entendu, elle ne choisissait pas les médicaments compte tenu de son jeune âge, mais elle aidait à faire les soins et à donner les médicaments. Et puis, elle aidait pour la logistique, pour changer les draps et tenait compagnie aux patients qui en avaient le plus besoin. C’était peut-être sa partie préférée du travail.

Depuis le tout début, un de ses travaux habituel et dévolu à elle était de prendre soin de Remus Lupin, juste après sa transformation en loup-garou. Comme c'était sa mère qui faisait les potions qui permettaient de soigner spécifiquement le jeune homme, elle était au courant de cette situation depuis la toute première année. Cela avait créé entre eux une complicité non déclarée du simple fait de partager ce secret. Par ailleurs, Mary appréciait Remus pour sa douceur et sa gentillesse naturelles et aimait beaucoup le temps qu'elle passait auprès de lui.

Remus était logé dans une petite pièce à part pour que les élèves qui venaient à l'infirmerie ne découvrent pas ses blessures. Mary entra dans la pièce avec une pile de draps car il serait bientôt temps de changer le lit du jeune homme, mais elle comptait attendre qu'il soit réveillé afin qu'il puisse se reposer au maximum. Elle était en train de poser les draps sur un siège quand elle entendit la voix familière du lycanthrope qui l’interpellait. Avec un grand sourire, elle se retourna vers lui et s'approcha de son lit avant de s'asseoir précautionneusement à sa proximité.

« Bonjour Remus, comment te sens-tu ? »

Elle prit son bras et regarda la blessure qu'il s'était fait en se mordant lui-même. L’infirmière lui avait demandé de soigner les blessures qu'elle allait trouver chez lui et elle sortit sa trousse de secours contenant les potions et onguents préparés par elle et sa maman. Avec un linge délicat elle passa de l’antiseptique sur le bras de son camarade avant de lui faire un bandage bien propre pour éviter qu'on voit sa blessure qui ne guérirait peut-être pas en une journée.

« Tu as réussi à dormir un peu ? »

Remus ne répondit pas à sa question de politesse élémentaire sur comment il allait. Elle savait qu’il ne lui mentirait pas en prétendant que tout irait bien, mais elle comprenait parfaitement qu’il n’ait pas envie de s’appesantir sur son état. De toute façon, après une transformation, c’était toujours la même histoire. Epuisement, douleur, et d’une certaine façon, culpabilité, même s’il n’était rien arrivé de mal durant la nuit. Tout était sujet à la culpabilité pour lui. Les efforts de madame Pomfresh et de Mary elle-même pour prendre soin de lui, toute la structure spécialement mise en place pour lui, tout était susceptible d’étayer sa culpabilité.

Il fut un peu plus loquace concernant sa seconde question. Mais il n’était sûr de rien, il avait l’esprit embrumé. C’était normal après tout ce qu’il s’était passé. Tandis qu’elle bandait soigneusement le bras de son ami, il lui demanda l’heure qu’il était. Mary tourna la tête vers l’horloge sur le mur où elle pouvait lire l’heure. Remus pourrait peut-être la lire elle-même s’il n’était pas autant dans les vapes. Mais jamais Mary ne lui ferait remarquer ce genre de choses. Cela faisait partie de sa bienveillance, envers tous ceux qui avaient potentiellement besoin de ses soins et de son aide.

« Il est presque une heure. Il est encore tôt, tu devrais pouvoir te reposer encore, si tu y arrives. »

Il avait sûrement dormi, récupéré, c’était encore une autre histoire. Quelquefois, Mary se disait que le pauvre Remus récupérait juste assez d’énergie en un mois pour affronter la transformation suivante. C’était vraiment triste de le voir dans cet état. Elle alla prendre des draps et un pyjama propre dans l’armoire. Ça allait être le moment gênant pour Remus, mais peut-être avait-il suffisamment de forces pour se débrouiller tout seul cette fois-ci. Quand il le pouvait, c’était plus facile pour lui. Et elle devait avouer que ce l’était aussi pour elle. Mais elle faisait ce qu’elle était là pour faire, quoi qu’il arrive.

« Ton pyjama et tes draps sont tachés. Tu pourras te changer seul ou tu veux que je t’aide ? »

Mary avait conscience que c'était difficile de se retrouver dépendant des autres, surtout pour quelqu'un qui avait autant de fierté, même non avouée, que Remus pouvait en avoir. C’était la raison pour laquelle elle ne lui avait pas imposé de l'aider à se changer mais lui avait demandé ce que lui avait besoin. En l'occurrence, il avait besoin d'intimité et elle la lui laissa. Elle en profita pour aller s'occuper rapidement de déposer les draps avec tout ce qui devait être nettoyé et lança un sortilège pour isoler les draps sales du reste de la pièce aseptisée. Elle les nettoierait plus tard.

Puis, elle récupéra une potion destinée à adoucir les souffrances de Remus et se rendit dans la chambre pour refaire le lit avec les draps propres qu'elle avait prévus à cet effet. Une fois son ami changé, il se recoucha et elle lui tendit le flacon de potion comme elle le faisait habituellement. Elle avait obtenu de l'infirmière, d'utiliser ses potions de famille, qui avaient le mérite d'être plus efficaces et de soulager plus durablement la douleur du loup-garou. La jeune Poufsouffle tenait à faire son maximum pour que le Gryffondor se sente le mieux possible, même si les conditions ne facilitaient pas son travail.

« Tiens ! Cela devrait apaiser un peu les douleurs. Tu devrais la boire tout de suite, comme ça je t'en redonnerai une ce soir. »

Elle s’assit à nouveau auprès de lui, sachant que s’il ne dormait plus, il aurait besoin de compagnie. Mais il ne tenait pas à parler de ce qu’il éprouvait et Mary pouvait le comprendre. Sa situation n’était pas facile et il ne devait avoir envie que d’une seule chose, c’était de se changer les idées. Quelque part, cela faisait partie de son travail aussi, même si elle le faisait par plaisir. Elle appréciait la compagnie de Remus, pleine de sagesse et de tranquillité. Pour elle, il était un de ses amis.

« Ça va. Enfin, à peu près. Je t’avoue que je m’inquiète un peu avec tout ce qui se passe en ce moment mais j’essaie de garder l’esprit positif. »

Mary était totalement consciente que la potion qu'elle lui proposait ne pouvait lui offrir qu'un soulagement partiel et non total. La famille de la jeune fille, et même elle en particulier, était douées. Mais elles n'avaient pas encore réussi à empêcher complètement la douleur d'agir et il n'était pas sûr que ce serait une bonne chose. La mère de Mary lui disait toujours que la douleur avait sa raison d'être et que vouloir s'en débarrasser pourrait finalement se révéler plus dangereux que salvateur. Il n'empêchait que dans certains cas précis, comme celui de Remus actuellement, cela serait bien utile. Ou au moins réussir à limiter les effets de la transformation.

Mais la jeune fille ne chercha pas à en savoir plus sur l'état dans lequel se sentait le lycanthrope. Elle savait que ce n'était définitivement pas brillant et qu'il allait avoir envie de parler d'autre chose que de ressasser le fait qu'il ne se sentait pas bien. Pourtant, quand il l'interrogea sur elle-même, la Poufsouffle n'eut pas le cœur de lui mentir en lui disant que tout allait bien dans cette conjoncture. Rien ne pouvait parfaitement aller et quand on avait de la famille ou des proches qui pouvaient être concernés par le danger, c'était encore pire.

« Je t'avoue que mes années sont un peu moins belles, depuis cette année. James me manque », plaisanta-t-elle à moitié pour égayer le jeune garçon.

Voilà ce qu’il en coûtait de vouloir sortir avec le capitaine de l'équipe de Quidditch alors qu'on était en cinquième année. Mary avait malheureusement dû dire au revoir à son petit ami jusqu’à ce qu'elle soit elle-même sortie de l'école puisqu'il venait de terminer sa septième année et prévoyait de rentrer au ministère de la magie, ce pour quoi il étudiait avec acharnement. Ils se voyaient pendant les vacances, s’envoyaient des hiboux mais ce n'était pas tout à fait la même chose. C’en était au point ou la jeune sorcière était persuadée qu'ils se marieraient dès qu'elle aurait fini ses études.

« Et toi ? Pas de jeune amoureuse à l'horizon ! J'ai pourtant entendu plein de compliments à ton sujet, tu fais fureur chez les demoiselles. »

La conversation s’orienta vers James, ce qui ne déplaisait pas à Mary, mais en même temps, elle était quand-même un peu triste, car il lui manquait. Elle avait des nouvelles régulières de son petit-ami et ils se voyaient aussitôt qu’ils le pouvaient mais ce n’était quand-même pas la même chose. Mais elle sourit à Remus quand il lui demanda comment se portait le jeune homme et comment les choses se passaient pour lui. Le Gryffondor avait toujours été très gentil et plein d’attention envers ses proches. Et Mary en faisait partie. Elle était vraiment touchée de ce que Remus s’inquiétait d’elle.

« Il se porte comme un charme. Il bosse dur. C’est un stage, en quelque sorte, alors on lui fait faire la besogne la plus ingrate, tu comprends ? » dit-elle avec une voix douce. « Mais il est content. Il apprend beaucoup de choses. Le monde du travail, c’est un autre niveau que l’école. »

La notion de couple, pour Mary, c’était l’idée d’un amour qui surpassait tout, au point d’avoir envie de faire toute sa vie ensemble. C’était ce qu’elle éprouvait pour James et elle avait la faiblesse de croire que la chose était réciproque. La façon dont elle vivait sa romance avec le jeune homme le laissait penser en tout cas. Et même si ce n’était pas facile, elle n’avait que quelques années à attendre avant qu’il ne puisse se marier. Quand elle parla des demoiselles, il s’étonna de son propos. Elle lui sourit gentiment.

« Non, pas du tout. Il y a beaucoup de filles qui te trouvent vraiment mignon et qui aimeraient bien sortir avec toi. »

Remus manquait de confiance en lui, et il y avait aussi son état de loup-garou qui l’empêchait de croire qu’il pouvait sortir avec une fille mais Mary était persuadée qu’il se mettait tout seul des barrières et des œillères qui n’avaient pas lieu d’être. Quand il lui affirma qu’il n’y avait pas de petite amie et que c’était très bien comme ça, elle secoua la tête.

« Remus Lupin, il serait temps que tu prennes conscience de ta propre valeur. »

Remus ne se rendait pas compte de ce qu’il représentait pour la plupart des élèves de l’école. Il était l’un des quatre maraudeurs, il était mignon, et il ne manquait pas de charme. De plus, sa gentillesse et sa bienveillance attiraient les pensées des rêveuses qui étaient sûres qu’il devait être un petit-ami parfait. Puisque personne ne savait qu’il était un loup-garou, ce détail ne pouvait pas lui faire obstacle et il y avait tout ce qu’il fallait dans la balance pour que de nombreuses filles le trouvent attirant. Il ne s’en rendait pas compte, mais il était plus populaire qu’il ne pouvait le penser.

Mais bien entendu, il n’avait pas confiance en lui-même et il était persuadé que tout le monde le percevait à-travers le filtre qu’il s’appliquait à lui-même. C’est-à-dire qu’il était persuadé qu’on ne lui accordait pas de valeur. C’était triste, mais Mary savait qu’elle ne pouvait pas changer cela à elle toute seule. Quand il lui demanda si elle pouvait citer le nom de certaines filles, sûrement pour lui prouver qu’elle ne serait pas capable de trouver concrètement des preuves de ce qu’elle avançait, Mary sourit un peu malicieusement. Elle n’allait pas trahir des copines pour redorer l’orgueil de Remus, mais elle aurait facilement pu le faire.

« Ce ne serait pas très sympa de te donner le nom de celles qui m’ont fait des confidences, mais je te garantit qu’il y en a plus qu’une. »

Mais il pensait que c’était très bien qu’il n’ait personne dans sa vie. Toujours cette façon de considérer qu’il ne valait pas grand-chose. Mary soupira. Cela ne servait à rien de prétendre qu’elle pouvait le convaincre. Et en même temps, elle comprenait qu’il soit réticent à s’engager dans une relation amoureuse avec une fille. Mais même s’il pensait que ce n’était pas se donner une valeur moindre, Mary pensait que si. Et que ce n’était pas une limite. Elle était persuadée que Remus pourrait trouver quelqu’un à aimer, qui l’accepte tel qu’il était.

« Tu fais tes choix, Remus. Mais je crois que tu te fermes des portes alors qu’elles ne te sont pas si fermées que ça. »

Mary ne pouvait pas lui mentir et prétendre que les filles en toute connaissance de cause. Si elles voyaient en lui des qualités que lui-même ne voyait pas, et c’était un fait, elles ignoraient tout de sa condition et ce n’était pas la Poufsouffle qui le leur dirait. Mary ne pensait pas que le fait qu’il soit un loup-garou soit un véritable obstacle pour avoir une relation amoureuse. En revanche, elle avait pleinement conscience qu’elle était probablement la seule fille à savoir ce qu’il en était actuellement. Et à avoir énormément d’affection pour lui, malgré tout. Mary n’était pas amoureuse, mais elle aimait Remus comme un frère.

« Effectivement, elle ne savent pas ton secret. Mais ça ne les empêche pas de voir de jolies choses en toi. Des choses que je vois aussi. Tu as du mal à comprendre ta valeur, Remus. Tu le sais aussi bien que moi. »

Elle ne voulait pas insister davantage sur ce fait et le faire souffrir avec ses propres pensées sombres, mais elle avait la conviction qu’il méritait mieux que cette vie d’ermite qu’il se préparait parce qu’il ne se pensait pas digne de l’amour d’une fille. Il considérait être un fardeau qu’il ne voulait pas mettre sur le dos de qui que ce soit et Mary le comprenait, voire le respectait pour cela. Mais elle ne trouvait pas juste qu’il n’ait pas, lui aussi, droit à sa part de bonheur. Elle était sincèrement convaincue qu’il le méritait au-delà de tout et qu’il s’autoriser à obtenir.

« Je comprends. Mais je veux que tu le saches, pour moi tu mérites mieux. Infiniment mieux. »

Elle vérifia à nouveau ses pansements pour s’assurer que rien ne devait être défait, et décida de passer sur un sujet plus amusant pour le lycanthrope afin de lui changer les idées. Il ne servait à rien de tourner en rond sur des pensées sourdes et sombres. Il valait mieux parler de choses qui mettraient un sourire sur le visage de l’homme loup. Elle avait envie de lui montrer que la vie valait la peine d’être vécue, à cet instant où Remus avait mal et où il avait désespérément besoin de quelque chose à quoi se raccrocher pour ne pas lâcher prise.

« Je suppose que tes chers amis ne manqueront pas de te ramener une petite boite de chocolats cette nuit. Tu m’en garderas un ou deux ? » fit-elle avec malice.